La ferme, les animaux ! En plein cœur du bush, des animaux sauvages vivent dans un grand parc vers lequel des hordes de touristes affluent pour les observer. Joan -Bennett y travaille comme guide. C'est une grand-mère aussi attentionnée pour sa petite-fille Kimberly qu'elle est forte en gueule et excessivement portée sur le sexe et l'alcool. Alors qu'Angela, la mère de Kimberly et directrice du parc, rêve de se débarrasser de Joan, on s'inquiète d'une mystérieuse maladie baptisée la « zoogrippe », venue du Sud et qui serait en passe de s'étendre dans tout le pays. Les personnes infectées n'en meurent pas. Leurs yeux deviennent rouges, ils affichent un air dément et, sans perdre la raison pour autant, ils se mettent à percevoir distinctement tous les sons de la nature et à comprendre clairement les mots et les phrases assénés par les animaux. Certains curieux viennent alors s'accrocher aux grilles du parc, derrière lesquelles Joan et ses collègues se sont barricadés, pour écouter la parole des bêtes en espérant y trouver du sens... Tout le pays est rapidement paralysé. Les voitures en panne de carburant sont abandonnées le long des routes, les maisons sont pillées et des chasseurs sillonnent le bush pour éliminer les bêtes les plus dangereuses.
Même Joan commence par entendre ces voix animales, qui résonnent comme autant d'aphorismes énigmatiques Une femelle dingo qui ne la quitte pas lui souffle : « Cours. C'est les glandes dans le corps. C'est les graines et tuer et refuge... » L'ambiance inquiétante de ce roman cacophonique prend peu à peu une tournure fascinante : on entre progressivement dans une nappe moite et bruyante comme si on se fondait dans notre propre animalité. L'autrice australienne Laura Jean McKay a réussi ce tour de force de créer une langue animale presque poétique, faite d'invectives, de menaces mais aussi de paroles apaisantes. Ayant pris la route pour aller retrouver son fils Lee sur une plage du Nord vers laquelle convergent des milliers de personnes contaminées persuadées que les baleines leur délivreront un message prophétique, Joan perçoit bientôt la totalité des sons mais aussi la densité des odeurs, la volupté des masses de poils, de plumes, de chair animale, comme si elle captait enfin la texture même de la nature dite sauvage : « Tout autour de moi, des traînées de messages laissés pendant la nuit luisent. Des relents puants, des appels, de la pisse, des empreintes, du sang, des excréments, du sexe, des corps. » Certains rêvent alors de discuter enfin avec des espèces en voie d'extinction pour savoir comment ils peuvent les aider, d'autres s'imaginent pouvoir nager avec les crocodiles...
Lauréat de plusieurs prix, dont le très prestigieux Arthur C. Clarke Award, ce premier roman à la fois profondément dérangeant et étrangement libérateur est une prouesse stylistique et visionnaire. Il restitue une perception affûtée de la part animale de l'homme, sensitive et instinctive, comme si celui-ci était enfin rendu corps et âme à cette matrice brute, à la fois bestiale, charnelle et végétale qu'est la nature.
Les animaux de ce pays
Dalva
Traduit de l'anglais (Australie) par Lise Garond
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 23,90 € ; 480 p.
ISBN: 9782487600171