24 AOÛT - PREMIER ROMAN France

Laurence Vilaine- Photo RÉGIS ROUTIER/GAÏA

Voici plus de vingt ans que le Mur est tombé, et quelques heures que le vieux Miklus est mort. Pourtant il parle, poussé par le regret d'un trop long silence, la honte, et la conscience lourde d'avoir emporté ses secrets dans sa tombe. Il raconte au journaliste venu nourrir un article comment sa communauté, les Roms de l'est de l'Europe, a traversé les convulsions du siècle. Trente ans d'histoires, petites et grandes, sur les berges du Danube, dans ce qui est devenu la Slovaquie. Il se souvient de Dilino, ce gamin sans voix ni larme, dont le surnom veut dire "idiot", qui ne lâchait pas son violon, souffre-douleur du groupe, persécuté pour sa blondeur dans cette volière d'enfants aux yeux et aux cheveux sombres ; de la belle Chnepki, "la joyeuse, la fluette", devenue "la Vieille" après un matin de 1942, que seul Lubko, le gadji, violoniste et sculpteur de marionnettes, a su autrefois apprivoiser ; de leur fille Maruska, héritière des mains créatrices de son père...

C'est une musique violente et douloureuse, avec un fond de mélodie fièrement combative, que joue Laurence Vilaine dans ce premier roman. La chanson des éternels exclus. Des oiseaux aux voix brisées, ce "Chnep", "petit piaf de chez nous" auquel on a ligoté les ailes. Et dans la réalité, un récit de l'intérieur de la destinée tragique de ce peuple bouc émissaire, déporté, sédentarisé de force, dont les enfants ont été rasés à l'école, où il était interdit de parler le romani, enfermés dans des hôpitaux psychiatriques... Accompagnée du violon tzigane qui relaie leur plainte et leur colère, Laurence Vilaine pleure le sort des faibles, des différents, des muets de la terre.

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