avant-portrait

Parce qu’il lit, beaucoup, qu’il écrit parfois et que la rumeur lui prête de savoir compter, Jean Le Gall pouvait-il faire autre chose qu’éditer ? Ça ou rien, s’est-il sans doute dit, tant ce sont là deux domaines d’élection chez cet encore jeune homme qui paraît comme échappé des pages d’un livre triste de Roger Nimier. Rien, ce serait sans doute regarder la mer à Biarritz - ce qui n’est pas rien, il est vrai -, où vit cet enfant du Sud-Ouest, suivre les taureaux d’une arène l’autre, connaître mieux "la mélancolie des paquebots" et laisser les sots s’imaginer que son dandysme n’est affaire que de cravates.

Et quant à ça, ce sera l’édition. Depuis ce jour de 2012 où cet avocat d’affaires vivant à New York, où il s’essaie avec succès à convaincre les promoteurs de fonds d’investissement de les transférer au Luxembourg (il dit : "J’ai fait un choix de blonde pour pouvoir m’acheter plein de sacs à main, mais j’étais encalminé dans une vie qui ne me convient pas"), s’avise à son tour que la vraie vie est ailleurs, et rachète les éditions Atlantica, puis Séguier.

Jean Le Gall fera de Séguier le plus éclatant et le plus chic cabinet de curiosités littéraires depuis le regretté Promeneur, cher à Patrick Mauriès. Comme l’homme craint plus de s’ennuyer que de se disperser, il publie les Mémoires d’Helmut Berger ou de Grace Jones, ceux de la papesse de la mode Bettina Ballard, mais aussi des monographies sur Pierre Etaix ou André Fraigneau. Entre autres projets, il prépare un livre sur les concierges parisiens.

La bonne éducation

Son troisième roman, Les lois de l’apogée, qui paraît à la rentrée chez Robert Laffont, fouille les mêmes eaux où l’élégance est la moindre des choses pour des enfants perdus, exilés jusque dans leur époque (des années 1980 à aujourd’hui, soit, à peu de choses près, de Charybde en Scylla). Il y est question de faux en écriture et de trafic des sentiments, de vérités successives et de mensonges permanents, de consolation. La consolation sera sans cesse promise et différée pour Jérôme Vatrigan, le héros du livre, qui eut un prix Goncourt trop tôt et a passé les trente années suivantes, devenu éditeur et, pire, amoureux, à arriver trop tard aux rendez-vous qu’il ignore s’être donnés. Jean Le Gall mène ce conte moral plutôt noir avec une paradoxale et réjouissante allégresse. On songe, à le lire, aux romans de son ami Antoine Laurain, et même, pour quelques suites épiphaniques, au grand Frédéric Berthet.

L’auteur, que sa bonne éducation et sa résidence sur la Côte basque, qui en a vu d’autres, éloignent des angoisses de Narcisse, attendra le verdict des lecteurs avec bonhomie. Ni les livres qu’il édite ni ceux qu’il écrit ne peuvent nuire à son bon plaisir. Mieux, ils en sont l’expression. Olivier Mony

Jean Le Gall, Les lois de l’apogée, Robert Laffont. Prix : 19 €, 340 p. Sortie : 18 août. ISBN : 978-2-221-19279-5

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