20 janvier > Essai Italie

La socio-économie n’explique pas tout, et surtout pas l’essentiel. Mais on peut s’en servir pour comprendre des événements qui n’ont a priori rien à voir avec elle. C’est le cas des tueries de masse qui ont lieu aux Etats-Unis, du massacre commis par Anders Breivik en 2011 en Norvège ou même pourquoi pas des attentats terroristes de janvier et novembre 2015 à Paris.

Tueries, paru en 2015 chez Verso aux Etats-Unis, désigne un responsable : le "capitalisme absolu" poussé par une forme de nihilisme dévastateur. Ce n’est pas étonnant quand on connaît l’auteur. Franco "Bifo" Berardi, né en 1949, est une figure du mouvement autonomiste italien des années 1970. Animateur de Radio Alice à Bologne au moment où sévissaient les Brigades rouges, il est aujourd’hui une figure de la gauche radicale.

Cet essai écrit en anglais par un Italien turbulent décrit le capitalisme financier comme le stade terminal de la société. Sous les étendards de la liberté, l’ultralibéralisme dispense à ses yeux un asservissement mortifère. Il produit de la précarité, provoque des vagues de suicides au Japon ou en Corée du Sud et impose un processus de déterritorialisation, processus encore accentué par les écrans d’Internet qu’il rend responsable du retour du fanatisme et de l’intolérance. Sous son regard, ces folies meurtrières ne sont pas envisagées comme des excroissances du capitalisme, mais comme des métastases se diffusant dans tout le corps social, la religion apparaissant comme une limite absurde à la loi du plus fort.

Cette radicalité peut agacer. Elle n’en est pas moins troublante lorsque Berardi évoque la gouvernance algorithmique du monde, la dissolution des valeurs dans une société "uberisée" ou le repli identitaire sur des intégrismes religieux. Son catastrophisme est heureusement teinté par l’ironie. "Pourquoi ai-je écrit un livre aussi horrible ?" se demande-t-il. Pour alerter, assure-t-il, pour créer un sursaut éthique au moment où l’économie s’emballe, le politique s’efface et le religieux explose. A sa manière, en conjuguant radicalité théorique et audace intellectuelle, Franco "Bifo" Berardi nous explique que sur notre bonne vieille Terre, le réchauffement n’est hélas pas que climatique. L. L.

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