Autre difficulté : "les appels d’offre et les consultations n’ont pas encore eu lieu alors que, d’ordinaire, nous savons déjà quel musée fera un appel d’offre ou une consultation et nous savons combien de catalogues nous publierons", souligne Nathalie Bailleux, directrice éditoriale du département des livres illustrés chez Gallimard.
Mais, ayant tiré les enseignements de l’année passée, les maisons s’adaptent aux circonstances. "On garde un petit espoir d’une réouverture prochaine donc on essaie de trouver un entre-deux. On avance sur le travail éditorial mais on attend d’avoir des dates de réouverture pour lancer l’impression de nos titres", explique Muriel Rausch, arrivée à la tête des éditions de Paris Musées le 16 mars dernier.
En libraire malgré tout
Malgré la fermeture des musées, quelques ouvrages s’insèrent tout de même dans les rayons des libraires. Plusieurs raisons animent les éditeurs dans leur choix de publier.
"Nous sommes extrêmement prudents. Quand un catalogue est livré ou prêt à être imprimé, nous décidons avec le musée concerné si on le met en vente ou non", assure Nathalie Bailleux. L’éditrice a notamment publié le 4 février Ex Africa, placé sous la direction de Philippe Dagen, dont l’exposition ouvrira au musée du Quai Branly, ainsi que Picasso-Rodin (11 février) qui accompagne la double exposition prévue au Musée Picasso et au Musée Rodin. Pourquoi les publier ? "Ce sont autant des catalogues d’exposition que des beaux livres. Picasso-Rodin retrace la relation entre le peintre et le sculpteur et Ex Africa est un livre de fond sur l’art contemporain et les arts africains", assure-t-elle.
Avec une exposition prolongée au 21 août au Frac Nouvelle-Aquitaine (Bordeaux), Actes Sud a fait le choix de publier Memoria : récits d’une autre histoire sous la direction de Nadine Hounkpatin et Céline Seror. "Plutôt bien perçu" et lié à "une thématique en vogue", Femmes peintres placé sous la direction de Martine Lacas (RMN-GP) a été "mis à l’office comme prévu" mercredi 3 mars, annonce Sophie Laporte.
De son côté, Muriel Rausch publiera notamment Musée Carnavalet - Histoire de Paris. Un parcours de la Préhistoire à nos jours (Paris-Musées, 14 avril). L'ouvrage est lié à la réouverture du musée, fermé depuis trois ans pour travaux. Une publication sans trop de risque puisque, si les portes de l’établissement restent pour l’instant closes, "le musée ouvrira tôt ou tard".
Jolies performances
La fermeture des musées n’a pas empêché les éditeurs d’enregistrer quelques jolies performances. "La plupart des catalogues d’exposition de 2020 ont été bien visibles dans les librairies malgré les confinements successifs et malgré les fermetures muséales. Cindy Sherman, catalogue de la Fondation Louis Vuitton, et Cézanne et les maîtres : rêve d’Italie, du musée Marmottan Monet, ont tous deux connus un beau succès avec près de 3000 exemplaires vendus dans les librairies nationales, en dehors du musée", souligne Jérôme Gille, directeur d’Hazan.
Sophie Laporte observe également un "bon taux de prise sur les catalogues" dont les expositions prévues au printemps dernier ont été décalées à l’été. C’est par exemple le cas de Pompéi, qui accompagnait l’exposition éponyme au Grand Palais, écoulé à plus de 8200 exemplaires en quelques mois d’exploitation. "C’est mieux que ce que nous avions prévu", reconnaît Sophie Laporte.
Un autre catalogue crée la surprise : celui de l’exposition Noir sur Blanc uniquement accessible en visite virtuelle sur le site du Grand Palais. Malgré l’impossibilité de la découvrir en vrai, les lecteurs ont été au rendez-vous. "Nous enregistrons 3000 ventes et très peu de retours", annonce Sophie Laporte qui estime que "pour la santé du livre, ce sont des signes positifs".
Malgré les difficultés, Jérôme Gille envisage "sereinement" les mois à venir. "Nous faisons le pari d’un retour massif dans les musées à la réouverture : nous avons tous un besoin de culture qui s’est intensifié avec les privations. Gageons que le retour à la normale permettra à tous de redécouvrir les trésors de nos musées !"