Commencé comme un différend contractuel classique, le conflit entre Diffusion Dimedia et la chaîne de librairies Renaud-Bray (31 points de vente, une librairie en ligne et 20 à 25 % du marché) a changé de dimension depuis que la Cour supérieure de Montréal a rejeté, le 12 juin, la demande d’injonction (référé) de Dimedia contre Renaud-Bray, préférant un jugement au fond (nos actualités sur Livreshebdo.fr). Renaud-Bray a en effet saisi cette occasion pour remettre en cause la loi 51, qui fixe depuis 1981 les grands équilibres du marché québécois.
Sur quoi s’opposent Dimedia et Renaud-Bray. Dimedia, distributeur du groupe La Martinière (Seuil, L’Olivier…) et de ses diffusés, et de nombreux éditeurs québécois dont Boréal, Alto, 400 Coups, Septentrion ou Triptyque, reproche à Renaud-Bray d’avoir changé unilatéralement le mode de remboursement par Dimedia de ses retours et les termes de paiement de ses factures. Dimedia, qui évalue la dette de la chaîne de librairies à 436 349 dollars (près de 300 000 euros), a du coup cessé de l’approvisionner. Renaud-Bray procédant alors, pour certains titres, à des importations directes en France, Dimedia le poursuit en justice pour violation de ses droits d’importateur exclusif définis par la loi 51.
Pourquoi Renaud-Bray attaque la loi 51. Contemporaine de la loi Lang en France, la "loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre" fixe les grands équilibres du secteur à travers un ensemble de règles propres à ses différentes entreprises (éditeurs, distributeurs, libraires…), qui doivent s’y conformer pour bénéficier d’un agrément donnant droit à différents avantages. Pointant "la situation de haute concentration qui prévaut dans la distribution du livre", le P-DG de Renaud-Bray, Blaise Renaud, juge qu’elle "ne tient pas compte des importants changements survenus depuis son adoption".
Ce qu’en pensent les associations professionnelles. L’Association nationale des éditeurs de livres (Anel), l’Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (Adelf) et l’Association des libraires du Québec (ALQ) sont montées au créneau pour défendre une loi qui "joue un rôle structurant essentiel" (Anel).
La suite. Tandis que 27 éditeurs québécois distribués par Dimedia ont adressé une lettre ouverte à Blaise Renaud, le distributeur annonce la poursuite de son action en justice sur le fond.
Fabrice Piault