En 1928, paraissait chez l’éditeur Kurt Wolff, à Munich, un curieux roman intitulé Schlump, sous-titré : "Histoires et aventures tirées de la vie du simple soldat inconnu Emil Schulz, surnommé "Schlump", racontées par lui-même." Anonyme, il était l’œuvre de Hans Herbert Grimm, né en 1896 à Augsbourg, docteur en philosophie et professeur. Nourri de sa propre expérience, c’était un récit original et patriotiquement incorrect de la guerre de 14-18.
Schlump, fils de tailleur, s’engage en 1915, à 17 ans, porté par la vague militariste qui s’est emparée de l’Allemagne. Envoyé en France, à Loffrande, où il dirige seul la Kommandantur, située dans un bistrot, il y coule une vie tranquille. Mais les choses se gâtent. Durant tout le reste de la guerre, il va vivre entre le front et les hôpitaux, quelques permissions chez lui et les planques en Belgique, où il se lance dans le "commerce" et la fausse monnaie, non sans savourer les charmes des beautés locales. Il rentrera chez lui en 1918, où il épousera Johanna.
Satire pacifiste et libertaire, ce livre ne connut pas un succès fracassant, concurrencé par A l’ouest rien de nouveau, d’Erich-Maria Remarque, parut en même temps, et Grimm se fit oublier. Mais les nazis le rattrapèrent et l’identifièrent. Le roman fut brûlé dès 1933 et son auteur dut adhérer au NSDAP pour ne pas être inquiété. Ce qui lui vaudra de sérieux ennuis à la Libération. Après avoir dissimulé le manuscrit de Schlump, il s’est suicidé en 1950 sans avoir jamais reconnu sa paternité littéraire. C’est Volker Weidermann, journaliste au Frankfurter Allgemeine Zeitung et écrivain, qui l’a retrouvé et a remonté toute l’histoire.
Schlump est un chef-d’œuvre maudit, incompatible avec des idéologies totalitaires. Un livre drôle, d’une modernité absolue. Une découverte. J.-C. P.