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Les utilisateurs professionnels d’images choisissent souvent de modifier celles qui se révèlent problématiques, par exemple, en masquant ou en floutant le visage des personnes reconnaissables.

Le 1er décembre 2015, la Cour d’appel de Paris a toutefois rendu un arrêt qui rappelle que « les précautions prises n’ont pas été suffisantes pour empêcher l’identification (…) rendue manifestement possible par l’accumulation de détails clairement » reconnaissables  sur la « personne et son lieu de vie ».

Le critère dominant pour l’application du droit à l’image reste celui de l’identification du sujet. En clair, à partir du moment ou une personne est identifiable et n’a pas donné son autorisation, elle peut agir en justice.

La reproduction d’un détail de l’image d’une personne peut donc être tout autant répréhensible. Cela a, par exemple, déjà été jugé, dès 1966, à propos de la photographie de l’infirmité d’une main.

Et la Cour de cassation a sanctionné, le 5 mars 1997, la publication  de l’image d’une personnalité, prise dans un cadre privé, au milieu « d’un plan de groupe sur lequel figurent seulement des personnes assises autour d’une table et, d’autre part, sa représentation n’est qu’une demi-silhouette vue de dos dans des conditions qui le rendent méconnaissable, sauf la légende illustrant le cliché ». L’image en tant que telle était licite, mais la légende a rendu identifiables les personnes représentées au sein du groupe.

Doisneau

En revanche, dans la célèbre affaire du Baiser de l’Hôtel de Ville, les juges ont estimé qu’il était impossible de reconnaître les modèles qui avaient posé pour la célèbre photographie de Robert Doisneau. Le 2 juin 1993, le Tribunal de grande instance de Paris, avait en effet estimé que « la protection conférée à chacun contre la réalisation et la publication de son image fixée notamment au moyen d’une photographie, est subordonnée à la condition qu’il s’agisse véritablement d’une reproduction de ses traits. (…) pour établir la preuve de la reproduction de leur effigie, les demandeurs produisent des photographies personnelles exécutées à la même époque, ainsi que plusieurs témoignages et les conclusions d’une étude morphologique non contradictoire, affirmant l’existence d’une «concordance certaine» entre les sujets du cliché litigieux et les époux Lavergne. Mais (…) ces éléments sont dépourvus de toute efficacité probante dès lors que la planche photographique composée des cinq clichés, dont le caractère artificiel allégué n’est pas établi, contient la reproduction des traits du même couple, échangeant un baiser dans une même attitude, dans des lieux différents de la capitale, rue de Rivoli, rue Royale, place de la Concorde, vêtus d’un imperméable ou se présentant dans une tenue identique à celle des modèles de la reproduction litigieuse ; (…) au surplus l’existence de plusieurs clichés représentant le couple figé dans une attitude rigoureusement semblable, au même endroit, à une même distance du photographe, alors que l’environnement immédiat du sujet est modifié, démontre qu’il ne s’agit pas d’un instantané d’un moment fugitif surpris au hasard des rencontres, mais bien d’une série de poses adoptées par des figurants dans le cadre d’une mise en scène ; (…) il apparaît en outre qu’à un même endroit, les modèles ont changé de tenue vestimentaire, ce qui exclut la continuité de prise de vue ; (…) en conséquence, les époux Lavergne, qui ne prétendent pas avoir posé pour le photographe et n’allèguent nullement être les sujets des cinq autres clichés, ne rapportent pas la preuve de la reproduction illicite de leurs traits ». 

Un droit à l'image qui n'est pas illimité et qui a des exceptions

Soulignons encore que la jurisprudence s’est peu à peu durcie, puisqu’il y a une vingtaine d’années, elle déniait un droit à l’image à ceux qui étaient photographiés dans un groupe ou une foule.

Le Tribunal de grande instance de Paris a ainsi jugé, le 9 avril 1992 : « si le principe du droit à l’image, partie intégrante de la personnalité, est aujourd’hui consacré, il n’est pas sans limite et souffre quelques exceptions ; notamment le spectacle qu’offrent les lieux publics ne saurait être subordonné à l’accord de chacune des personnes s’y trouvant, sous peine d’interdire toute prise de vue, à moins que la photographie ne dénote une volonté de centrer l’attention sur une personne déterminée par un procédé d’agrandissement ou de cadrage destiné à l’isoler. En l’espèce, la personne photographiée se trouve intégrée à un groupe de parieurs – que l’on ne saurait confondre avec des joueurs professionnels – sans que l’attention soit portée plus particulièrement sur l’un d’eux. La similitude parfaite dans l’expression des personnes représentées, toutes figées dans l’attente anxieuse des résultats, révèle clairement l’objectif du photographe qui a su traduire de manière saisissante une atmosphère propre aux champs de course, lieux ouverts à tous et que fréquentent volontiers les personnalités du monde entier. Ne s’agissant donc ni d’un lieu mal famé, ni d’un acte illicite, la personne photographiée est mal fondée à soutenir qu’il a été porté atteinte à son image et à son honneur, cet unique cliché ne permettant pas, au demeurant, de déduire qu’il s’adonne régulièrement à une telle occupation ».

La modification, et en particulier le floutage (sous réserve, le lecteur l’aura compris, que l’on ne se contente pas, bien souvent, de celui-ci) est donc largement envisageable, sous réserve que l’auteur de l’image l’ait autorisée.

Car l’article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit en effet au profit de tout créateur un droit au respect de l'œuvre. Il s’agit là d’un des attributs du droit moral de l’auteur.

Une clause générale du contrat conclu avec le photographe ne peut suffire à s’affranchir du droit au respect de l’œuvre.

La formule qui autorise toute modification sera jugée nulle. Il est en revanche possible de proposer une modification précise au photographe et de lui faire valider la nouvelle image.

Reste à l’éditeur à louvoyer habilement entre floutage et droit moral…      
 

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