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Le palmarès des prêts 2018

Automate de retour, médiathèque La Canopée, Paris. - Photo Olivier Dion

Le palmarès des prêts 2018

Baromètre des prêts
Ministère de la Culture/Livres Hebdo

Réalisé à partir d’un échantillon élargi à 167 bibliothèques, le baromètre annuel ministère de la Culture/Livres Hebdo des prêts et des acquisitions confirme la variété des goûts des lecteurs et souligne les efforts des bibliothèques pour répondre à la demande par une offre documentaire étendue.

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Par Véronique Heurtematte
Créé le 04.05.2018 à 12h51

Le baromètre annuel 2018 des prêts et des acquisitions réalisé par le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture, en partenariat avec Livres Hebdo, confirme la dispersion des emprunts en bibliothèque et la diversité de leurs fonds. Comme en 2015 et en 2016, les 10 références les plus empruntées ne représentent que 0,3% des prêts, tandis que les 10 références les plus achetées ne pèsent que 0,9% des acquisitions. Même en augmentant considérablement la profondeur de l’analyse, la dispersion reste importante: les 10 000 œuvres les plus empruntées constituent moins de la moitié de la totalité des prêts, et les 10 000 œuvres les plus achetées totalisent à peine plus de la moitié de l’ensemble des acquisitions.

En 2017, 92,5% des 200 titres les plus acquis en bibliothèque l’ont été par moins d’un établissement de l’échantillon sur deux. 71% de ces 200 titres ont été achetés par moins de 50 des 167 bibliothèques de l’échantillon. On observe par ailleurs une bonne adéquation entre les pratiques des emprunteurs et l’offre des bibliothèques. Comme les années précédentes cependant, la part du documentaire est nettement plus importante dans les acquisitions que dans les emprunts. Cette particularité est assumée par les bibliothèques qui se revendiquent lieux ressources à vocation encyclopédique pour les usagers. La place des bandes dessinées est à l’inverse moins importante dans les acquisitions que dans les prêts, un phénomène qui s’explique en partie par le fort taux de rotation de ce type d’ouvrages. Si on resserre l’observation aux 100 titres les plus acquis, on note que le poids de la fiction adulte augmente considérablement pour passer à 87% du total.

Il existe d’assez fortes distorsions entre les palmarès des prêts en 2017 et le classement des meilleures ventes de la même année (1). Le baromètre étant fondé sur l’année civile, il ne rend pas complètement compte des effets de corrélation entre les rentrées littéraires et les acquisitions des bibliothèques. Cependant, en prenant une année de recul pour intégrer le temps nécessaire à l’émergence des nouveautés parmi les meilleurs emprunts, on constate que 32 des 50 titres les plus vendus en 2016 figurent à la fois dans le baromètre des prêts et dans celui des acquisitions 2017.

Moins de nouveautés

Les emprunts connaissent une répartition entre les quatre grands segments comparables à un an d’intervalle. La jeunesse reste en tête et totalise 40% de l’ensemble. Cette bonne performance peut s’expliquer, entre autres, par la forte présence des jeunes parmi les emprunteurs des bibliothèques publiques, qui représentent près de 32% des inscrits, et par le fort taux de rotation des ouvrages pour la jeunesse. La bande dessinée constitue 27% du total, la fiction 22%, et les documentaires 11%. Si l’on observe les 10 000 œuvres les plus empruntées, on voit la part du documentaire décroître nettement pour ne plus occuper que 1% des emprunts.

Les parts de la fiction adulte et de la bande dessinée augmentent, en revanche, pour occuper respectivement 29% et 45%. La fiction adulte devient même majoritaire si l’on ne s’intéresse qu’aux 10 titres les plus prêtés, et se taille 73% de l’ensemble. Ces ouvrages les plus demandés sont concentrés sur un petit nombre de titres spécifiques tels que les nouveautés de la rentrée littéraires, les lauréats des prix littéraires, les ouvrages des auteurs à succès.

Parmi l’ensemble des emprunts, la part des titres récents, édités au cours des deux dernières années, reste assez faible, surtout en jeunesse (10%, contre 8% un an plus tôt) et en BD (12%). Elle atteint 19% en documentaire et 26% en fiction adultes. Mais ces taux s’inscrivent en net retrait par rapport à l’an dernier où ils se situaient respectivement à 26% et 32%.

(1) LH 1157, du 19.1.2018, p. 16-35.

Les auteurs de bande dessinée restent les plus empruntés

Fiction adulte: l’impact des prix littéraires

Pour des raisons liées à la temporalité propre aux bibliothèques, le classement des prêts de fiction adulte compte plus de titres publiés en 2016 (20 références) que de nouveautés de 2017 (11). Pourtant, il présente une bonne corrélation avec l’actualité littéraire. Les deux premières places du palmarès sont occupées par des titres primés en 2016: Chanson douce de Leïla Slimani, prix Goncourt, et Petit pays de Gaël Faye, plusieurs fois récompensé, notamment par le Goncourt des Lycéens et le prix du Roman Fnac. Cela confirme l’influence des prix littéraires sur le choix des lecteurs. Le palmarès des prêts de romans est également bien corrélé avec celui des meilleures ventes: au sein du classement des romans les plus prêtés, les 11 titres publiés en 2017 figurent aussi parmi les meilleures ventes de fiction.

A l’exception des tomes 1 et 2 de L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante, le top 50 des achats de romans adultes des bibliothèques est, lui, exclusivement composé de nouveautés de 2017. De même, 48 des 50 romans adultes les plus empruntés figurent aussi parmi les meilleures ventes, et la corrélation entre le tableau des emprunts et celui des achats est assez forte.

Le commentaire
Marie-Jeanne Boistard, bibliothèques de Blois-Agglopolys

"Le baromètre des prêts de fiction pour les adultes est représentatif de l’équilibre qu’on retrouve globalement dans toutes les bibliothèques. Chez nous, Gaël Faye, 2e au baromètre, arrive à la première place. Ensuite, notre top 50 des prêts de romans diverge beaucoup avec le baromètre national. La sélection de premiers romans de notre prix Roblès apparaît en bonne position dans notre top 50. Négar Djavadi, prix Roblès 2017 pour Désorientale, y occupe la 4e place alors qu’elle est absente du baromètre national. Cela montre l’importance de la médiation. En matière d’acquisitions, nous suivons l’actualité comme partout, mais nous avons la particularité d’acheter tous les premiers romans parus dans l’année. Nous effectuons aussi un travail de veille sur les éditeurs émergents de polars et de science-fiction, ainsi que sur la littérature créative."

Documentaires: l’effet longue traîne

Le palmarès des emprunts de documentaires illustre l’effet "longue traîne" particulier à ce segment. Une vingtaine de titres classés l’étaient déjà un an plus tôt. Le classement se révèle pourtant bien en prise avec l’actualité proche avec 8 références publiées en 2017, 18 en 2016 et 11 en 2015. Il confirme aussi la demande pour les titres concernant la santé, le bien-être et le développement personnel comme une tendance forte et durable.

La première place est, comme l’année dernière, occupée par Le charme discret de l’intestin, qui s’inscrivait en 3e position dans le baromètre 2015. La vie secrète des arbres, qui se hisse dès l’année de sa parution à la 1re place des achats et à la 3e place des prêts, pourrait connaître un destin semblable.

Des achats corrélés aux meilleures ventes en librairie

Le palmarès des acquisitions offre une correspondance notable avec celui des ventes en librairie. 35 références du classement se trouvent par ailleurs dans les palmarès des essais ou du pratique. Parmi les 10 premiers titres acquis en bibliothèque, 4 figurent parmi les 10 premiers titres vendus en librairie. Le palmarès des acquisitions offre aussi une bonne adéquation avec le palmarès des emprunts.

Le commentaire
Marianne Rouxin, bibliothèques municipales de Chambéry

"Il y a peu de surprises dans le palmarès des prêts. A côté des tendances fortes tels le bien-être, la santé, le développement personnel, la conscience écologique constitue chez nous un thème corollaire émergent. Nous avons aussi une très forte demande pour l’apprentissage des langues. Cela n’apparaît pas dans le baromètre national car les emprunts sont répartis sur un nombre important de documents. Pour les acquisitions, nous nous basons sur le Top 50 de Livres Hebdo et les demandes des lecteurs. Nos lignes de force sont la nature, le bricolage, la cuisine et les langues. Nous observons aussi ce qui se passe au niveau local. Nous mettons notamment en avant des documents en lien avec les conférences de l’Université populaire de Chambéry. Notre budget d’acquisitions ayant diminué, nous achetons moins de livres de niveau universitaire et nous nous recentrons sur le tout public."

BD et mangas: vivent les séries!

Le classement des prêts de bandes dessinées et de mangas 2017 se concentre comme les précédents sur une poignée de séries. Lou ! et Les sisters contrôlent à elles seules les 16 premières places du palmarès, tandis que Les Légendaires domine numériquement avec 20 titres placés dans le top 50. Le palmarès compte une majorité de titres publiés il y a plus de cinq ans: seuls 4 datent de 2016, et aucun de 2017. On ne trouve qu’une seule correspondance entre le baromètre des prêts et celui des ventes: Les carnets de Cerise, 1 : Le zoo pétrifié, 25e au classement GFK/Livres Hebdo des meilleures ventes de BD l’an dernier et 44e meilleur prêt.

Les achats de nouveautés en hausse

Depuis 2015, la part des nouveautés de l’année augmente parmi les acquisitions des bibliothèques. Tous les titres du palmarès des achats datent de 2017 (38 références) ou de 2016 (12). Onze d’entre eux figurent également parmi les meilleures ventes de l’année, au premier rang desquels le 37e album des aventures d’Astérix, Astérix et la Transitalique, en tête du palmarès des meilleures ventes comme de celui des acquisitions des bibliothèques.

Le commentaire
Cyrille Billet, médiathèque La Canopée, Paris

"Je suis surprise qu’aucun manga ni aucune BD pour adultes n’apparaisse dans le baromètre des sorties. A La Canopée, ils sortent autant que ceux pour la jeunesse. Beaucoup de titres du baromètre sont assez anciens. Cela se vérifie chez nous du fait des habitudes de lecture de ce public, très attaché à ses séries. Nos lecteurs adultes sont plus friands de nouveautés et c’est un des axes forts de notre politique documentaire. Nous faisons des commandes hebdomadaires pour les titres les plus attendus, ce qui permet aux usagers d’accéder aux BD quinze jours après leur sortie en librairie. Nous avons acheté 92% des titres présents dans le baromètre des achats. Nos acquisitions répondent à la demande du public, mais aussi à un objectif de diversité pour susciter la curiosité et la découverte."

Jeunesse: le poids du fonds

Contrairement à celui de la fiction adulte, le palmarès des livres jeunesse les plus empruntés - dont on a extrait, comme les années passées la série des Max et Lili, qui y occuperait 48 places à elle toute seule - est complètement déconnecté de l’actualité éditoriale. Les deux titres les plus récents y figurant datent de 2016: Journal d’un dégonflé, vol. 10, Zéro réseau, et Harry Potter et l’enfant maudit, 1 et 2. Le petit sorcier britannique occupe par ailleurs, comme en 2016, la première place du classement avec Harry Potter à l’école des sorciers, le premier tome de la célèbre série.

Peu de corrélation avec les meilleures ventes

Les nouveautés sont en revanche bien présentes parmi les premiers achats des bibliothèques, où l’on compte 18 titres publiés en 2017 et 24 datant de 2016. La corrélation du palmarès des achats des bibliothèques avec le palmarès des emprunts est faible, de même qu’avec les meilleures ventes de l’année. Seuls trois titres figurant dans le top 50 des achats jeunesse, deux volumes de la série Journal d’un dégonflé et un relevant de la série La passe-miroir, figurent parmi les meilleures ventes de 2017, en fiction jeunesse.

Le commentaire
Marie-France Moal, médiathèque des Capucins, Brest

"Le baromètre des prêts contient beaucoup de grands classiques de qualité comme Cornebidouille, Roule galette… ou Va-t’en, grand monstre vert !. Nous les utilisons pour nos animations et ils sont très empruntés dans notre réseau aussi. La présence de 5 livres d’Harry Potter dans le classement montre que la parution d’un nouveau tome relance l’intérêt pour les titres plus anciens d’une série. Le phénomène des séries, comme Journal d’un dégonflé, est assez nouveau en jeunesse. Ce choix éditorial correspond à l’engouement des jeunes pour les séries télévisées. Certains livres, comme Les trois brigands ou C’est moi le plus fort ont été adaptés en jeu. Les éditeurs ont compris l’intérêt de passer par le jeu pour faire découvrir la littérature jeunesse et réciproquement. C’est un axe sur lequel nous travaillons."

04.05 2018

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