Selon nos estimations, le marché scolaire représente 10 % des achats de livres de poche, quand on additionne les classiques, les collections de classiques contemporains, de classiques avec un appareil critique, ou à premier prix", explique Anne Assous, directrice marketing du groupe Gallimard, qui regrette de ne pas avoir de données plus précises sur les ventes générées par le système éducatif, qu'elles viennent des commandes des établissements ou des achats prescrits par les enseignants. Ipsos estimant le marché du poche à une centaine de millions de volumes, le scolaire en assurerait une dizaine de millions, à des prix toutefois moins élevés que la moyenne des poches : il n'y a pas de droit d'auteur sur ces livres (sauf s'ils proposent des commentaires), que tous les éditeurs peuvent publier en se faisant une concurrence frontale sur les prix. La généralisation de leur diffusion gratuite en numérique n'a pas cassé le marché, qui a progressé de 6 % l'an dernier, à 14,2 millions d'euros selon les statistiques du SNE.
A ces titres du domaine public, presque exclusivement consommés par le scolaire, il faut ajouter aussi une partie de titres sous droits qui ont acquis un statut de classiques, publiés pour nombre d'entre eux chez Gallimard (L'étranger de Camus en tête), ou qui sont introduits dans des collections de poche destinées au marché parascolaire.
La littérature contemporaine s'est en effet taillé une place dans l'institution scolaire, du primaire au lycée : dans les séries L, au moins un, sinon deux des quatre titres du programme de terminale sont contemporains. Cette année, les deux (Philippe Jaccottet et Pascal Quignard) sont chez Gallimard, assuré d'un marché de 70 000 lecteurs captifs. Dans le primaire, la littérature jeunesse est légitimée depuis la publication d'une première liste de 180 titres recommandés en 2002, portée à 300 deux ans plus tard. Au collège, la dernière sélection actualisée par le CRDP de Grenoble en 2008 compte près d'un millier de références.
Certains titres ont aussi acquis le statut de classiques, dont les enseignants jugent la lecture nécessaire à la culture ou la formation de leurs élèves, et qui en prescrivent l'achat. "A chaque mois de septembre, nous sommes assurés de vendre 25 000 exemplaires de La sixième de Susie Morgenstern", explique Jean Delas, directeur général de L'Ecole des loisirs, qui a beaucoup oeuvré pour la légitimation de la littérature jeunesse à l'école, et qui continue d'en soutenir le principe, notamment via la revue L'Ecole des lettres.
TOUS EN POCHE
Gallimard et Flammarion sont également des acteurs importants de ce marché, à destination duquel les éditeurs scolaires entretiennent aussi des collections. Mais entre les achats des CDI ou des BCD et ceux des parents sur recommandation des enseignants, la part de ces livres dont la diffusion dépend de l'institution scolaire est difficile à évaluer. Une seule certitude, ils sont tous en poche, dont le marché n'est pas sous la menace d'une substitution par le numérique : les liseuses en noir et blanc non tactiles ne présentent aucun intérêt pour les jeunes, et les tablettes sont encore trop chères pour leur être confiées.