C'était le 6 octobre 1973, en fin de matinée, heure locale, sur le circuit automobile de Watkins Glen (État de New York). Le jeune pilote français François Cevert, surnommé « Le Prince », trouvait la mort dans des circonstances particulièrement violentes. Pour beaucoup de Français, charmés par sa beauté, sa douceur, ses dons au volant qui en auraient sans doute fait le premier champion du monde français de Formule 1, ce fut un choc. Pour de nombreux petits garçons, comme le jeune Xavier Charpentier, 9 ans, quelque chose comme un premier chagrin.
Le même jour, à 14 heures locales, les armées syriennes et égyptiennes lancent contre Israël une offensive surprise dans le Golan et le Sinaï. La guerre du Kippour vient de commencer. S'ensuivront l'embargo sur le pétrole, plus tard le quadruplement du prix de l'essence. C'est le début de la crise (vocable qui ne s'est jamais éteint depuis) et la fin des Trente Glorieuses.
Alors que ces deux faits semblent ne pas avoir de rapport, Xavier Charpentier révèle leurs liens avec sensibilité et une infinie intelligence dans cet essai qui est aussi le plus personnel des récits. Car ce qui a cessé ce jour-là avec la mort d'un homme comme avec le début d'une guerre, c'est à jamais la croyance que « l'avenir dure longtemps », comme le disait Althusser, et que la bagnole, la belle bagnole surtout, serait le véhicule éternel. Charpentier explore les signes qui furent ceux de ces années-là, un peu oubliées aujourd'hui, 1970, 1971, 1972 et 1973. Ce moment où un pilote de course pouvait représenter pour chacun et chacune comme un idéal érotique du moi. Et comment la mort qui régnait alors sur les circuits y contribuait grandement. Il cite d'autres champions tombés au champ d'honneur des courses : Jochen Rindt, Roger Williamson, Peter Revson... Dans le même temps, il se souvient de Pompidou et de sa Porsche, de la Citroën SM Maserati, du Salon de l'auto (où Cevert traîna un jour une Bardot boudeuse...), de l'incroyable épisode de la prise d'otages d'un avion par Danielle Cravenne (la femme du fondateur des César) qui voulait protester contre la sortie de Rabbi Jacob qu'elle jugeait inopportun, en pleine guerre du Kippour... Il fouine dans les journaux d'époque, les publicités jaunies, les faits divers oubliés, épluche les éditoriaux qui promettent un futur toujours radieux, réécoute la voix de Jacques Chancel, et c'est ainsi que pour les enfants des baby-boomers, « elle est retrouvée [...], l'éternité ». Celle que nous avaient fait perdre un prince défunt et une guerre.
Le 6 octobre 1973
Plein jour
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 17 € ; 192 p.
ISBN: 9782370670540