On avait laissé Marie-Dominique Lelièvre après un Brigitte Bardot, plein la vue (Flammarion, 2012). La journaliste, qui s’est penchée sur Serge Gainsbourg, Françoise Sagan et Yves Saint Laurent, a cette fois choisi de s’occuper de Coco Chanel. Un personnage qui a déjà suscité maints ouvrages et notamment celui de Hal Vaughan, Dans le lit de l’ennemi : Coco Chanel sous l’Occupation, paru chez Albin Michel.
Marie-Dominique Lelièvre parle ici de Chanel et de ceux qui l’ont entourée. Tout démarre à Aubazine, dans l’orphelinat où Gabrielle Chanel, née à Saumur en 1883, est placée après la mort de sa mère. La voici ensuite employée d’un tailleur. Elle découvre les hommes et les courses, se produit au café-concert devant les cavaliers du 10e dragons, dont Etienne Balsan, par ailleurs jockey de steeple-chase.
Mademoiselle a du chic, de la tenue. Elle prend conscience de son pouvoir de séduction, ouvre des boutiques à Paris, Deauville, Biarritz, propose à ses clientes canotiers et sweaters. Myope, conquérante et séductrice, elle plaît à Arthur « Boy » Chapel, businessman rescapé de la bataille des Flandres qui meurt dans un accident de voiture. A Igor Stravinsky, le créateur du Sacre du printemps. Au poète Pierre Reverdy qui lui fait découvrir les lettres.
L’art, c’est grâce à Misia Sert, la muse au buste slave, qu’elle s’y familiarise. Marie-Dominique Lelièvre redessine peu à peu le portrait d’une couturière innovante puis respectée qui aime la réussite. A ses côtés, on croise tour à tour le grand-duc Dimitri Pavlovitch, le duc de Westminster, Hans Günther von Dincklage, Luchino Visconti, Paul Iribe ou Paul Morand, autre exilé au bord du lac Léman. Et des femmes peu banales telles que Vera Bate, Maggie van Zuylen van Nyevelt, Vera Vasquez ou Romy Schneider que Chanel jugea « célèbre d’avance ».
Marie-Dominique Lelièvre s’attache aux multiples facettes d’un « taureau noir », pour reprendre le mot de Colette, doué pour la pêche, la chasse et la mondanité. Elle n’évite pas les zones d’ombres d’une femme « de spectacle et d’applaudissements », toujours en représentation, dépourvue de conscience politique, et dont l’antisémitisme était selon elle « 50 % de snobisme, 50 % de rancœur ». Très enlevé et documenté, ce Chanel & Co a fière allure. Al. F.