Le temps des francophones

Stéphane Marsan directeur de la publication chez Bragelonne - Photo Olivier Dion

Le temps des francophones

Longtemps dominée par les Anglo-Saxons, la production en imaginaire fait aujourd’hui la part belle aux auteurs francophones. les éditeurs spécialisés mettent tout en œuvre pour les faire connaître à l’étranger et se faire une place sur le marché des droits.

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Par Mylène Moulin
avec Créé le 21.10.2016 à 01h30

C’est désormais le nerf de la guerre. Longtemps boudés par les éditeurs, les écrivains francophones sont devenus très porteurs sur le marché de l’imaginaire. Bragelonne aborde même la fin de 2016 avec de nombreux talents de langue française. Manon Fargetton, jeune auteure déjà couronnée par 20 prix littéraires dont le prix Imaginales 2016, revient avec Les illusions de Sav-Loar, tandis que Olivier Gay, connu pour ses romans jeunesse et ses polars, signe La main de l’empereur. L’éditeur annonce également pour février 2017 l’arrivée de Pierre Bordage au catalogue avec Arkane, un diptyque fantasy dont la première partie sortira en édition reliée. Enfin, en avril, Bragelonne publiera le premier tome d’une trilogie ambitieuse du Français Paul Beorn, étoile montante de la fantasy hexagonale. Au Diable vauvert, le programme littéraire sera teinté d’imaginaire et fera, lui aussi, la part belle aux auteurs francophones. En janvier débutera la publication des Contes du soleil noir, une féerie en 5 volumes d’Alex D. Jestaire. Ce texte très contemporain est le coup de cœur de Marion Mazauric, directrice de la maison. En fin d’année 2017, elle publiera également la trilogie fantasy d’un jeune auteur. Pour l’éditrice, la vivacité des genres de l’imaginaire en France est indéniable. "La pénétration et l’expansion des genres de l’imaginaire dans notre société se reflètent fortement en littérature. Il y a une créativité incroyable dans les domaines de l’hyperfiction, de la SF et de la fantasy, surtout chez les jeunes auteurs", analyse-t-elle.

Pionnier dans le domaine avec son catalogue francophone, Actu SF édite aussi bien les jeunes auteurs comme Jean-Laurent Del Socorro ou Karim Berrouka que les plumes confirmées telles Jean-Pierre Andrevon ou Fabien Clavel. Le club des punks contre l’apocalypse zombie de Karim Berrouka paru en mai vient d’ailleurs d’être réimprimé pour la deuxième fois. Aux Moutons électriques, la colonne vertébrale du catalogue s’est consolidée cette année avec la poursuite de séries de fantasy francophones signées Nathalie Dau, Stefan Platteau ou Chloé Chevalier. "Le club de Michel Pagel a aussi été une bonne surprise, avec trois petits tirages successifs pour une mise en place actuelle de 2 000 exemplaires", se réjouit André-François Ruaud, à la tête des Moutons électriques.

Moins frileux, les éditeurs n’hésitent plus à publier des premiers romans, voire à se lancer dans des séries complètes signées par de parfaits inconnus. Le Bélial a par exemple commencé à publier en 2015 la tétralogie Origines de Stéphane Przybylski, une œuvre de grande ampleur mêlant récit historique, théories conspirationnistes à la manière de X-Files et espionnage. Le premier tome, Le château des millions d’années, avoisine les 5 000 ventes, le troisième publié cet été se comporte très bien en librairie, et la série pourrait prochainement être adaptée en BD. Chez Scrineo, les nouveaux talents français sont aussi à l’honneur avec la parution en octobre de La part des ombres, un spin-off des précédentes séries de Gabriel Katz, puis d’ouvrages signés Cindy Van Wilder et Agnès Marot. La maison mise aussi sur L’aura noire, premier roman dark et girly de Ruberto Sanquer, où se croisent sorcières et démons dans un monde post-apocalyptique (janvier). Pas en reste, Denoël "Lunes d’encre" vient de lancer le premier roman de Romain Lucazeau, Latium. Ce space opera qui mêle uchronie et philosophie est composé de deux tomes dont le premier est paru début octobre et le deuxième paraîtra le 4 novembre. Mnémos lancera en début d’année sa nouvelle découverte en fantasy, Sénéchal de Grégory Da Rosa, un roman issu de la rencontre de Machiavel, d’Umberto Eco et de Jean-Philippe Jaworski.

Cap sur l’étranger

Accompagnant l’expansion mondiale de la culture "geek", les auteurs francophones se font progressivement une place dans les catalogues d’imaginaire hors de nos frontières. Cette année, pour la première fois, Les Moutons électriques ont vendu des titres au Japon et en Corée du Sud. Contacté par un gros agent anglo-saxon désireux de représenter ses auteurs francophones, le Bélial devrait s’engager prochainement sur la voie de la vente de droits. Chez "Lunes d’encre", le cycle d’Omale de Laurent Genefort a été cédé au Japon, et Trois oboles pour Charon de Franck Ferric en République tchèque. Mnémos travaille sur plusieurs pistes sérieuses en cours qui devraient déboucher sur des contrats en 2017. "En termes de vente, nous nous sommes aperçus que les éditeurs étrangers étaient plus sensibles à des titres ayant une forme ou une autre de "terroir" français, soit par leur toile de fond, leur décor ou par leur style", analyse le fondateur de la maison, Frédéric Weil. Un point de vue partagé par Stéphane Marsan chez Bragelonne, qui observe que les titres les plus largement exportés sont ceux dont l’intrigue est clairement ancrée dans le paysage français comme Les lames du Cardinal de Pierre Pevel traduit en quatorze langues dont l’anglais, ou 14-14 de Silène Edgar et Paul Beorn.

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