A quelque chose malheur est bon. Il a fallu la publication de L'année de la pensée magique (Grasset, 2007), bréviaire de la douleur, diamant noir strié de chagrin, pour que les lecteurs français découvrent vraiment Joan Didion, comme son influence majeure sur les lettres américaines contemporaines. Depuis, recueils d'inédits et rééditions se succèdent.
Aux Etats-Unis aussi, aux Etats-Unis d'abord, le récit sans concession ni pathos de l'année qui suivit le soir où le romancier John Gregory Dunne, mari de Joan Didion depuis quarante ans, fut terrassé par une crise cardiaque, eut un retentissement considérable, raflant au passage le National Book Award.
Le metteur en scène David Hare et le producteur Scott Rudin surent convaincre l'auteure d'adapter elle-même son récit pour la scène. L'année de la pensée magique, théâtre, monologue pour une femme endeuillée, d'une rare intensité, triompha sur les scènes de Broadway et de Londres, interprété par la grande Vanessa Redgrave. C'est cette version expurgée que publient aujourd'hui les éditions Grasset et que représente, au théâtre de l'Atelier, Fanny Ardant, mise en scène par Thierry Klifa et adaptée par Christopher Thompson.
Sans préjuger de la performance de la comédienne, force est de reconnaître que demeure dans cette version tout ce qui faisait la vigueur paradoxale, impudique et altière, du texte initial. La voix qui s'y fait entendre reste celle de Joan Didion, écrasée par le deuil, étrangère à tout apitoiement, implacable dans l'énoncé de sa douleur. Simplement, le passage du récit au monologue théâtral achève de "hiératiser" cette cérémonie secrète de la perte et du chagrin. On n'est finalement pas si loin ici du lyrisme glacé de La voix humaine de Cocteau.
Pendant ce temps-là, à New York, Joan Didion fait de nouveau l'événement avec la publication de son nouveau livre, Blue nights, consacré cette fois-ci au deuil de sa fille Quintana et, plus largement, aux peurs de la parentalité.
L'histoire continue donc, elle n'est pas plus gaie et on l'a dit encore plus belle...
