Douze ans. De Kigali en 1994 à Montréal en 2006, en passant par New York, Hollywood, Edimbourg ou une communauté inuite au fin fond de la région arctique, les personnages d’Inside, premier livre traduit en français de la romancière canadienne Alix Ohlin, mettent du temps à se perdre et à se trouver. Des voyages d’abord intérieurs ; ce sont ceux qu’il leur faudra entreprendre pour accepter la nature des liens qu’ils tisseront entre eux, la puissance de leur solitude, la tragédie et la douceur des choses.
Il y aura donc Grace, une psychothérapeute de Montréal, divorcée, qui, un jour de ski, tombe sur le corps allongé dans la neige d’un désespéré venant d’attenter à ses jours (Inside fait les choses à l’envers, démarrant par le désespoir et s’achevant par la promesse d’un horizon possible). Il y aura aussi Mitch, son ex-mari, également thérapeute, qui ne sait que fuir dès lors que se précise la promesse du bonheur. Il y aura également Anne, une de ses patientes, qui s’installera à New York pour se réinventer en actrice et y rencontrera l’écho de ce qu’elle fut durant son adolescence, un jeune couple paumé qu’elle finira par héberger et protéger.
La fuite, le temps qui creuse les chagrins plus parfois qu’il ne les apaise, les éclipses du désir, la terreur de devoir s’avouer que ce qui était n’est plus (et d’abord l’amour), l’enfance promenée comme un miroir le long des lâchetés du quotidien sont les « figures de style » récurrentes de cette fresque de l’intimité. Alix Ohlin, 40 ans, née à Montréal, vivant et enseignant à Easton (Pennsylvanie) a déjà publié deux romans et deux recueils de nouvelles. Cet Inside, roman choral, composé comme une suite de nouvelles sur le principe « marabout de ficelle », poignant et souvent drôle, est éblouissant, maraudant sur les terres du « post-naturalisme » sarcastique d’un Richard Ford ou d’une Lorrie Moore. C’est un Tourbillon de la vie où la fureur du monde n’est que l’écho de celle, inavouée et profonde, de chacun des personnages.
Olivier Mony
