L’histoire de ce fils de marchand d’Assise qui se rêvait chevalier et choisit de tout abandonner pour vivre auprès des plus démunis continue de surprendre. Lui-même d’ailleurs fut stupéfait par cette chute qui le rapprochait du Très-Haut. C’est ce qu’explique avec clarté Jacques Dalarun dans cet essai tiré d’un cours pour les agrégatifs d’italien.
En trois grandes parties, cet historien, qui a dirigé le monumental François d’Assise : Ecrits. Vies. Témoignages (Cerf, 2010), donne toutes les clés pour comprendre celui qui demeure le saint le plus populaire de l’Eglise catholique et un grand écrivain.
Le médiéviste, auteur de Gouverner c’est servir (Alma, 2012), a découpé le Cantique de Frère Soleil, ce "coup d’éclat qui inaugure la littérature italienne", en trois actes. Car c’est bien d’un drame qu’il s’agit. Il nous le présente dans une version bilingue et nous propose de le relire à la lumière des dernières recherches.
Et qu’y trouve-t-on ? D’abord une œuvre transgressive qui délivre au XIIIe siècle son message de paix et de fraternité dans la langue vulgaire. "La révolution franciscaine n’est pas simple inversion de rôles, roue de la fortune, revanche du destin. Elle a valeur de programme, en mode mineur. La terre ne domine pas : en bonne mère, elle "nous sustente et gouverne". Dans l’italien des campagnes, "gouverner" les enfants, les animaux, les plantes veut encore dire "en prendre soin"."
Voilà pourquoi le Poverello n’est pas un écologiste. "François ne vénère pas la nature ; il célèbre la création." Il est comme un horloger qui s’intéresserait moins au mécanisme qu’au temps lui-même.
Enfin, il y a le dénouement. Le fondateur de l’ordre des Frères désignés comme "mineurs" pour bien affirmer leur humilité est quasi aveugle et brûlé par la douleur lorsqu’il entonne ce chant qui vise à exorciser son angoisse face à la mort. Avec ce vade- mecum franciscain, magnifiquement illustré, Jacques Dalarun permet aussi de mieux comprendre la spiritualité de celui qui a pris le Poverello pour modèle : le pape François. L. L.