Le drapeau tricolore, Marianne, La Marseillaise, le bonnet phrygien que dans les mouvements sociaux il n'est pas rare de voir porté par certains manifestants en signe de contestation... Tous ces symboles de la Révolution française sont toujours vivants, au grand dam des pères de 1789, parfois détournés. Cet événement historique majeur pour la fondation de l'identité nationale a eu son lot de textes, au premier chef desquels la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions ne peuvent être fondées sur l'utilité commune." (article 1^er). Les images n'ont pas été en reste.

Comme dans tous projets politiques, le discours, qui a sa part de "propagande", doit frapper. Et quoi de plus frappant que l'image. Cette gravure contemporaine de l'abolition des privilèges vaut toutes les figures de style. On y voit la société d'Ancien Régime résumée en un trio : deux hommes, un chevalier (la noblesse) affublé d'une fraise hors d'âge et muni d'une vaine épée et le Prêtre emperruqué et portant l'habit noir (le clergé) chevauchant un troisième homme, un paysan courbant l'échine sous leur poids (le tiers-état, en l'espèce plutôt le pauvre peuple exploité par les deux classes susdites). L'artiste a légendé la caricature avec un commentaire orthographié de manière phonétique. Exprès pour atteindre sa cible populaire ou dû à son illettrisme ? Quoi qu'il en soit, le message est clair : "A faut esperer q'eu se jeu la finira bentot" (sic). Le rire est le meilleur allié du rhéteur, "quelque mille cinq cent gravures satiriques sont publiées entre 1789 et 1792,« note la spécialiste de la période Sophie Wahnich, auteure de La Révolution expliquée en images.

Révoltes antifiscales, Desmoulins haranguant la foule le 12 juillet, tête de l'intendant général Foulon au bout d'une pique - il proposait aux Parisiens affamés de brouter de l'herbe -, vendeuse de cocardes, banquet républicain... c'est toute la chronologie de ces années ayant fait basculer la France dans une nouvelle ère, qui défile en gravures, dessins, gouaches, pamphlets ("Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?" de l'abbé Sieyès). L'originalité du livre, en sus de sa valeur esthétique, tient de sa teneur didactique - une forme dialoguée, quasi socratique, entre Sophie Wahnich et ses deux enfants, un garçon et une fille, aujourd'hui jeunes adultes et naguère bambins jouant à prendre la Bastille avec des épées en bois. Jusqu'au mouvement des Gilets jaunes, les Français sont encore animés par l'esprit de la Révolution, ce « désir de liberté, de justice et d'humanité », rappelle l'historienne. Pas si obsolète.