Savez-vous à quoi l’ancien ministre de la Justice de George W. Bush consacre ses loisirs ? A la sculpture sur barbelés ! Savez-vous que vous pouvez acheter mon troisième livre ? Une biographie de Bernard Kouchner aux éditions Flammarion. Deux infos piochées sur Internet mais cherchez l’erreur… Car ce nouveau média gratuit charrie le pire et le meilleur. J’oserais, si mon voisin de page, Daniel Garcia, ne s’offusquait pas de me voir piétiner ainsi ses platebandes, ajouter que la langue des blogs vaut la langue d’Esope. Bon, alors vous avez trouvé l’info exacte ? Eh bien, c’est la première ! M. Ashcroft, born again christian « parce que je suis pécheur », born again torture « pour que le 11-Septembre ne se reproduise pas », a fait cette ahurissante confession dans un interview à Deborah Salomon le 15 octobre dans le supplément magazine du New York Times . Mister Guantanamo, Mr. Abou Grahïb, se détend en faisant de la sculpture de barbelés ! Son ranch, paraît-il ; en regorge. La deuxième info n’en est pas une, même si elle figure depuis plus de dix ans sur Chapitre.com. En fait j’avais signé un contrat pour ce livre avec Françoise Verny en… 1993. Je n’ai jamais écrit ce livre et, devenu critique littéraire, j’ai remboursé mon avance à l’éditeur (on n’est jamais trop prudent). Si donc vous tombez encore sur ce texte de chapitre.com : « Vous recherchez le livre Bernard Kouchner écrit par Christian Sauvage : si c’est le titre tant recherché, vous pouvez le commander ici», surtout n’envoyez pas d’argent ! Treize après je peux vous affirmer que ce livre n’est pas disponible puisqu’il ne sera jamais écrit ! Cela m’amène à observer le débat sur la mort de la presse, l’agonie de l’écrit, et le rêve de la cyberomniscience avec une certaine réserve. La presse est morte ? Mouais… Paris-Match , m’avait-on appris en 67-69 au Centre de Formation des journalistes était mort avec la télévision. Daniel Filipacchi et Roger Thérond, puis Alain Genestar ont prouvé le contraire. Ceux qui s’en vont annonçant la mort de la presse écrite et du livre, un peu après, risquent d’avoir des surprises du même type, à condition d’avoir de vivre assez longtemps. Jean d’O, ainsi que le rapportait mon voisin de blog, se compare, en tant qu’écrivain à un cactus qui fleurit avant de mourir. Je suis plus optimiste que lui. Je le vois plutôt en bonsaï. D’autres belles plantes se sont ému du sort de l’écrit. Le discret échange entre Denis Jeambar et Franz-Olivier Giesbert n’a pas manqué de saveur. Le premier s’est dit convaincu de l’avenir de l’écrit dans l’édition (il est devenu patron du Seuil) plutôt que dans la presse (il a quitté la direction de l’Express ). FOG, le patron du Point , qui connaît aussi bien l’édition, lui a répliqué que son magazine, lui, avait progressé de 5%… Alors, Internet ? Libre, je suis de trouver mon information en googleïsant et en wikipediant. Certes, mais l’absence de sources et de dates souvent, l’absence de vérification encore plus, font que ma liberté manque de réalité. Bien sûr, internet est libre d’accès, peu coûteux, presque gratuit comme les quotidiens qu’on vous donne à la sortie du métro ou ces « plus produits », suppléments rédigés directement par des publicitaires consacrés aux vacances, aux vins, aux montres de luxe, etc. Tout est beau, rien n’est vrai. Et cela masque habilement les licenciements de journalistes et autres réductions de paginations des journaux eux-mêmes. Car pour gagner de l’argent il faut rétrécir le produit (la baguette craquante de mon boulanger coûte toujours 1€ mais elle a diminué de moitié la semaine dernière au point de ressembler à un bâtard) Le métier de journaliste, maintenant que je l’ai abandonné, me paraît définitivement un métier, un vrai. Celui de patron de presse, il m’arrive de me le demander. Le cyberespace pille les journaux, confond informations et rumeurs mais il vient d’inventer le journal intime public. Les blogs s’imposent. D’abord chacun peut dire ainsi sa façon de penser. La presse française n’a jamais accepté un vrai courrier de lecteurs, ou d’autres opinions que celles des sacro-saints « spécialistes ». Etant journaliste, je me suis toujours demandé pourquoi nous étions les seuls à pouvoir donner notre avis sur tout. Je ris encore au souvenir de ces éditorialistes n’ayant jamais dépassé les limites des palais nationaux qui étaient interrogés, il y a une quinzaine d’années à la télévision sur l’horreur des hivers des SDF. Surtout quand ils sont devenus muets comme des carpes quand Hubert Prolongeau qui s’était mis dans la peau d’un SDF pendant plusieurs mois pour un livre ( Sans domicile fixe , Hachette, 1993) leur expliquait que, non tout le monde ne risque pas de devenir SDF. Les mêmes bouches bées quand Alain Duhamel, Jean-François Coppé et les autres écoutaient jeudi soir sur France 2 Abd al-Malik slammer sa vie. Des poules ayant découvert une paire de ciseau. Bloguez, bloguez votre avis en vaut bien d’autres. Et achetez des journaux : il y va de votre liberté. Revue de critique Mention spéciale au blog de Didier Jacob du Nouvel Observateur qui a ouvert la saison des prix littéraires en attribuant le Grand prix Cruche 2006 à Françoise Chandernagor pour son interview à Elle sur ses choix au jury Goncourt. Blogs.nouvelobs.com/didier_jacob/index.php