Disparition

Jean-Claude Lattès, éditeur et auteur, est mort hier à Paris, samedi 27 janvier à l'âge de 76 ans. Son ami Bernard Pivot l'a annoncé sur twitter dans la matinée de dimanche.
Il avait quitté le milieu de l’édition depuis 1991. Depuis, il vit au soleil de la Provence entouré de vignes pour écrire des romans historiques: avec Eric Deschodt, il publie Le seul amant (Le Seuil, 2000) et Marguerite et les enragés : meurtre à Florence (Le Seuil, 2004), puis en solitaire Le dernier roi des Juifs (NiL, 2012), une biographie sur Marcus Julius Agrippa.

"L’édition me manque parfois. Surtout quand je lis un livre mal édité. Ça a le don de m’énerver" expliquait-il à Livres Hebdo il y a deux ans à l'occasion d'un portrait qui lui était consacré.

Né le 3 septembre 1941 à Nice, Jean-Claude Lattès, fils d'un marchand de tissu et conseiller municipal de sa ville natale, il commence une carrière de journaliste après des études de lettres et de commerce, passant par Combat, Candide, L’Express, Les Nouvelles littéraires et L’Observateur.

De Robert Laffont à sa propre maison

En 1965, après être passé au service presse de Pierre Belfond, il dirige le service promotion des Éditions Robert Laffont, qu'il considère comme son "maître", et, trois ans plus tard, il crée avec Jacques Lanzmann Édition Spéciale. Leur première publication, Ce n’est qu’un début de Philippe Labro, qui évoque les événements du mois de mai 1968, est un best-seller.

En 1972, Édition Spéciale devient Éditions Jean-Claude Lattès, sans Jacques Lanzmann. "Robert Laffont m’a rendu deux grands services, il m’a appris mon métier, et il m’a viré" se rappelle-t-il.

Les débuts sont compliqués. Mais en rééditant tous les livres de la série "Tarzan" d'Edgar Rice Burroughs, il sauve l’entreprise. La maison réussit ensuite joli coup en éditant Le sac de billes de Joseph Joffo et réussit quelques autres beaux coups comme Louisiane de Maurice Denuzière, Le nabab d'Irène Frain, Léon l'Africain d'Amin Maalouf ou Le vent du soir, de Jean d’Ormesson.
 
 

Les éditions Jean-Claude Lattès ont appris avec une grande tristesse la disparition de leur fondateur. Il y a 50 ans, Jean-Claude Lattès lançait son premier livre écrit par Philippe Labro sur les événements de mai 68. À l’époque, la maison d’édition fondée avec Jacques Lanzmann s’appelait Éditions Spéciales. Rapidement, avec sa femme Nicole, ils ont constitué un catalogue à l’image de leur curiosité et de leur passion pour les livres et leurs auteurs. Joseph Joffo, Amin Maalouf, Jean d’Ormesson, Maurice Denuzière, Irène Frain... ont rejoint ensuite la maison. Aujourd’hui, Isabelle Laffont, Karina Hocine et Laurent Laffont, qui depuis plus de 20 ans animent cette belle maison, lui rendent un profond hommage, s’associent à la douleur de sa famille et de ses amis et conservent plus que jamais cet esprit d’ouverture à la liberté et au plaisir de la création littéraire. -- : AFP

Une publication partagée par Editions JC Lattès / Le Masque (@editionsjclatteslemasque) le 28 Janv. 2018 à 6 :12 PST



Les éditions Jean-Claude Lattès se diversifient en publiant de nombreux jeunes auteurs, en créant des collections dédiées à la musique, à la culture juive, à la culture arabe. Il édite ainsi l'écrivain égyptien Naguib Mahfouz qui obtiendra le prix Nobel en 1988.  

Artisan de la métamorphose d'Hachette

En décembre 1980, Jean-Luc Lagardère, alors propriétaire de l'industriel Matra, vient de reprendre Hachette. Il propose à Jean-Claude Lattès de racheter sa maison en lui offrant la direction du département livres de tout le groupe. Premier de la branche Livre du groupe Hachette, Jean-Claude Lattès va développer la dimension internationale du groupe, transformant l'ensemble en un acteur majeur de l'édition mondiale.

Entre temps, Jean-Luc Lagardère a cherché à investir dans l'audiovisuel: écarté de l'aventure Canal +, battu par Bouygues pour la privatisation de TF1, il investit des milliards de francs et endette son groupe pour reprendre La 5. En 1991, la situation financière de la chaîne met en péril tout son conglomérat. Hachette change sa stratégie éditoriale et Jean-Claude Lattès est contraint de quitter le navire, à l'âge de 50 ans. "Les financiers ont pris le dessus" avait-il confié à Livres Hebdo.

"Personne n’imaginait que l’édition puisse avoir une valeur financière. La cascade de rachats, inaugurée dans la décennie 1980, a métamorphosé le paysage. L’édition, aujourd’hui, est tributaire d’actionnaires qui réclament des résultats" se souvient-il.
 
Des best-sellers et des Nobels

Ces dernières années, il avait un regard critique sur cette industrialisation du métier, préférant les maisons familiales ou les jeunes éditeurs: "Ils sont dans la même logique que lorsque j’ai débuté. Ils désirent simplement publier des livres. Laisser une trace."

Sa maison porte toujours son nom. Présidée par Isabelle Laffont, la fille de Robert Laffont, et dirigée par Laurent Laffont, elle réalise un chiffre d'affaires variant de 10 à 20 millions d'euros par an ces dernières années et emploie une trentaine de salariés. Outre les best-sellers de John Grisham et de Dan Brown, les œuvres adultes de Stephenie Meyer, la saga Cinquante nuances de Grey d’E.L. James, elle publie des auteurs français à succès comme Delphine de Vigan (D'après une histoire vraie, Prix Renaudot et Prix Goncourt des lycéens), Grégoire Delacourt, Serge Bramly, Marc Dugain, Jean-François Parot, ... Elle édite aussi trois prix Nobel: Muhammad Yunus, Kazuo Ishiguro et le Professeur Luc Montagnier.

 

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