Formation

L’ère des médiateurs

Olivier Dion

L’ère des médiateurs

Pour répondre aux mutations des métiers du livre, les formations destinées aux futurs éditeurs, libraires et bibliothécaires intègrent désormais les problématiques numériques et les nouvelles pratiques de lecture. Avec une idée-force : privilégier la médiation.

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Par Catherine Andreucci
avec Créé le 11.10.2013 à 19h29 ,
Mis à jour le 03.04.2014 à 17h10

Comment introduire les nouvelles donnes engendrées par le numérique sans renier les fondamentaux du papier ? Comment accompagner, voire anticiper les évolutions des métiers du livre sans tourner le dos à ce qui fait leur spécificité ? C’est la difficile équation qu’ont à résoudre les responsables des différentes formations à l’édition, à la librairie et à la bibliothèque.

En cette période de profondes mutations, de nouvelles compétences sont requises de la part des futurs professionnels du livre : maîtrise de l’univers numérique, adaptation à un contexte mouvant, capacité à évaluer pour chaque projet la pertinence des différents supports et les possibilités qu’ils offrent, à prendre en compte les nouvelles pratiques de lecture et d’achat… « Le numérique s’introduit un peu partout, dans tous les cours que nous dispensons. Pour autant, le papier reste au centre de notre enseignement, rappelle Patricia Sorel, chef du département information-communication, option métiers du livre de l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense. Nous ne voulons pas tomber dans le tout numérique car c’est encore une faible part de marché en France, et il ne faut pas céder au mirage numérique. Sinon, on basculerait dans une formation multimédia. Or nous restons dans les métiers du livre. »

L’équilibre doit être sans cesse maintenu et réévalué au fil des changements et des besoins exprimés par les professionnels en activité. «Nous observons une évolution paradoxale : il faut à la fois plus de spécialisation des professionnels dans les différents métiers, et plus de capacités des uns et des autres à maintenir l’ensemble des processus », résume Bertrand Legendre, responsable du master édition de Paris-13 Villetaneuse. « C’est une tension intéressante, mais un peu difficile à intégrer aux formations », précise-t-il.

Le dialogue entre les différents métiers est une composante indispensable des formations, même s’il est diversement développé selon les organismes. Le master Monde du livre de l’université d’Aix-Marseille repose sur le principe de décloisonnement entre les trois métiers, éditeur, libraire, bibliothécaire. « On laisse la possibilité à nos étudiants de choisir leur lieu de stage en librairie, dans l’édition ou en bibliothèque, explique Cécile Vergez-Sans, responsable du master. Nous formons de futurs professionnels capables de circuler d’un métier à l'autre ».

« La connaissance des métiers de l’interprofession est nécessaire. On ne peut pas être éditeur, libraire ou bibliothécaire sans connaître les autres métiers. La chaîne du livre est une chaîne, et il faut absolument que les étudiants défendent la bibliodiversité, qu’ils connaissent tout ce qui se produit, dans les grands groupes, bien sûr, mais aussi dans les petites maisons. Car ils auront un rôle de médiateur », plaide Jean-Pierre Vosgin, directeur des formations aux métiers du livre de l’IUT Montaigne à l’université Bordeaux-3, qui réunit les trois spécialités autour d’un cursus commun.

Aller chercher les lecteurs

Au cœur des trois métiers, la médiation s’affirme comme l’enjeu principal aujourd’hui. Le métier de bibliothécaire est certainement celui qui a le plus fortement muté ces dernières années, et les formations s’en ressentent en mettant l’accent sur le lien avec les usagers. Les libraires, eux, doivent rivaliser d’ingéniosité et utiliser tous les outils possibles pour aller chercher les lecteurs. Quant aux éditeurs, ils doivent penser en termes de multisupport et de multiplicité des canaux de diffusion. Tous nés avec et dans l’univers numérique, les étudiants eux-mêmes ont bien saisi les évolutions à l’œuvre. L’édition fait toujours rêver, la librairie aussi, mais les formations se chargent de les plonger dans les réalités professionnelles. Car, si le livre peut parfois être envisagé comme un refuge, la plupart ont tout naturellement intégré la part numérique de leur futur métier. La nouvelle donne attire même des étudiants au profil plus technique ou scientifique. Sauf que, « lorsque nous avons des scientifiques ou des informaticiens, ils ne viennent pas là pour faire valoir ces compétences mais parce qu’ils veulent découvrir un autre secteur, remarque Corinne Abensour, responsable du master commercialisation du livre de Paris-13. Par ailleurs, les étudiants qui ont un profil très technique se rendent compte qu’ils ont du mal à évoluer dans un milieu qui a peu de capacités à dialoguer avec la technique. A nous de les rendre compatibles avec un milieu qui reste quand même très littéraire. Ce qui n’est pas facile. »

Si le choix de l’univers du livre peut être évident pour les étudiants, celui de se former à un métier bien précis l’est parfois moins et peut être modifié. « En première année de DUT “classique?, ils rêvent tous d’être éditeurs car ils ont une vision un peu fantasmée du monde de l’édition, relève Patricia Sorel, du pôle métiers du livre à Paris-Ouest-Nanterre-La Défense. Alors que les étudiants qui arrivent en “année spéciale? [DUT en 1 an, après un bac + 2 au minimum, le plus souvent bac + 3, voire + 4 ou + 5, NDLR] sont plus réalistes, et la bibliothèque leur apparaît le domaine du livre le plus sécurisé. » < C. A.

Edition : place au multisupport

Sans pour autant se détourner du papier, les formations à l’édition intègrent désormais les questions numériques à leurs enseignements théoriques et pratiques.

Pour devenir éditeur, il faut avant tout acquérir une solide culture générale et faire preuve d’une curiosité toujours renouvelée. Mais, au-delà du bagage intellectuel, le métier requiert des compétences bien précises. Qu’il s’agisse des diplômes universitaires techniques (DUT, bac + 2), des brevets de technicien supérieur (BTS, bac + 2), des licences (bac + 3) ou des masters professionnels (bac + 5), tous visent à former de jeunes éditeurs polyvalents. Ceux-ci doivent pouvoir s’intégrer en fonction des spécialités qu’ils sauront développer : éditorial et création, fabrication, juridique, commercial et, de plus en plus, numérique, car les métiers changent avec les nouvelles technologies. Les formations doivent s’adapter pour préparer au mieux leurs étudiants, sans perdre de vue que c’est le papier qui constitue le cœur du métier.

Savoir lire.

«Nous formons à la commercialisation du livre et à la conception éditoriale, en prenant en compte les deux grandes familles de support, physique et numérique. Notre objectif est de donner une formation complète aux étudiants », explique Bertrand Legendre, responsable du master édition de Paris-13 Villetaneuse (avec deux spécialités : politiques éditoriales et commercialisation du livre). « La compétence première de l’éditeur sera toujours de savoir lire un manuscrit et de repérer ce qui est novateur », estime pour sa part Nelly Chabrol-Gagne, responsable du master création éditoriale et de jeunesse à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand.

Gestion éditoriale, techniques de production, droit, histoire de l’édition… Les fondamentaux des cours restent les mêmes, mais ils intègrent la dimension numérique. Comme, en ce domaine, les mutations vont très vite, il faut faire preuve de souplesse. Le mastère management de l’édition de l’ESCP-EAP et de l’Asfored a ajouté des cours de XML, d’extraction d’ePub à partir du logiciel Indesign, ou encore sur le business model. Mais celui de Paris-13 réduit son enseignement purement technique et a supprimé son cours sur la création de sites Web - les maisons font appel à des prestataires extérieurs, bien mieux armés.

Les DUT, eux, verront leurs enseignements changer à la rentrée, car les nouveaux « programmes pédagogiques nationaux » seront publiés au Journal officiel en juin. La dernière mouture datant de 2005, ils prendront en compte les évolutions intervenues depuis et devraient introduire un cours de culture numérique. «Il est important que les étudiants aient une réelle réflexion sur ce qu’est le numérique et acquièrent une vue d’ensemble. Le numérique ne doit pas être un gadget », souligne Patricia Sorel, chef du département information et communication option métiers du livre de l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, où les étudiants peuvent s’entraîner sur une dizaine d’iPad et de liseuses. De plus, les IUT doivent désormais accueillir davantage de titulaires d’un bac technique ou professionnel à la suite de la réforme des lycées. L’IUT métiers du livre de l’université Montaigne, à Bordeaux-3, va par exemple proposer des modules de mise à niveau pour ces élèves, « qui étaient peu nombreux dans la filière livre », précise Jean-Pierre Vosgin, directeur des formations aux métiers du livre.

Pour les techniciens de fabrication, le nouveau référentiel du BTS édition sera mis en application à la rentrée de 2013. « Nous irons assez loin dans la technique numérique, tout en gardant une base papier dans l’architecture pédagogique car le métier reste ancré sur le papier, indique Séverine Dieuze, responsable des formations initiales à l’Asfored. Nous enseignons aux futurs fabricants une technologie, mais aussi un comportement professionnel qui les amène à toujours être actifs et ouverts à ce qui se passe autour d’eux. » Beaucoup d’anciens étudiants reviennent d’ailleurs en formation continue à l’Asfored afin de mettre à jour leurs connaissances.

Mais l’ouverture au numérique n’est pas la seule évolution. Le développement des échanges internationaux est pris en compte dans le master 2 lettres modernes appliquées aux métiers de l’édition, de l’audiovisuel, de l’information et de la communication de Paris-4. «La Sorbonne a une antenne à Abu Dhabi et nous ouvrons cette année une formation sur les métiers de l’édition dans le bassin Moyen-Orient -Afrique du Nord, avec un fort accent sur le numérique », explique sa responsable Hélène Védrine, qui renforce aussi les liens entre édition et audiovisuel : « Il y a une perméabilité très forte entre les univers, et ce profil est très recherché. »

Intégration ralentie.

Par définition, toutes ces formations professionnelles ont une forte composante pratique, sous la forme de stages, d’alternances, de travaux dirigés et de projets éditoriaux très aboutis. « Grâce à ces projets pratiques, ils se projettent dans des postes à responsabilité qu’ils n’auront pas dans l’immédiat, explique Corinne Abensour, responsable du master commercialisation du livre à Paris-13. Nous leur donnons des marqueurs forts pour qu’ils restent des créateurs et ne se transforment pas en exécutants. »

Toutes les formations veillent à maintenir des liens étroits avec le monde de l’édition, et les intervenants sont en majorité des professionnels. A la rentrée, le master de Clermont-Ferrand va ainsi s’adjoindre, en plus de Michel Francillon, de Reflets d’ailleurs, un deuxième éditeur professeur associé «qui aura à son catalogue des expériences numériques », indique Nelly Chabrol-Gagne. Ces liens étroits ont aussi une visée très pragmatique : assurer des débouchés aux étudiants. «Il y a une petite crise, il faut bien l’avouer, et l’insertion s’est ralentie, admet Hélène Védrine à Paris-4. Les étudiants trouvent du travail, mais au bout de six mois voire un an. » De leur côté, les éditeurs se montrent plus exigeants et recrutent essentiellement à bac + 5, ce qui pousse les titulaires d’un DUT à poursuivre leurs études en licence puis en master. Les débouchés évoluent eux aussi. «Sur trois-quatre ans, nos diplômés du mastère occupent des postes de responsables de développement numérique », dit Séverine Dieuze, de l’Asfored. Une carte à jouer dans un marché du travail encombré. «Certains éditeurs font appel à nos étudiants pour combler leur déficit en matière numérique. Ils ont en tête qu’il est plus facile de recruter des gens avec ce profil que de former des gens en interne », souligne Corinne Abensour, mentionnant les postes de community manager ou en Web marketing. «Très majoritairement, nos étudiants s’insèrent dans l’édition, mais certains vont vers des structures qui gravitent autour, des entreprises qui travaillent dans le numérique ou dans les jeux vidéo, les agences de communication… des structures où la prise en compte du numérique se fait plus vite et où il y a plus d’espace pour une personne multispécialiste », complète Bertrand Legendre. De nouvelles compétences et une ouverture qu’il faut valoriser, conclut Séverine Dieuze : « Nous expliquons aux étudiants que c’est aussi à eux d’être les moteurs du changement dans les entreprises. » < C. A.

Librairie : persistance des fondamentaux

Avoir une bonne culture générale et aimer les livres ne suffisent pas pour être libraire, il faut aussi savoir vendre et maîtriser de nouveaux outils.

Comme les autres métiers du livre, celui de libraire est bousculé par la révolution numérique qui bouleverse aussi bien le travail au quotidien que les comportements des clients, la manière de dialoguer avec ces derniers et de promouvoir le livre. A la fois outil de vente, vecteur de communication et même créateur de tendances, Internet fait partie intégrante des compétences que le libraire d’aujourd’hui doit maîtriser. Mais, si le contexte d’exercice du métier a changé, les fondamentaux demeurent les mêmes : sélectionner, présenter et vendre des livres.

Plus de médiation.

Au croisement du commerce et du monde de la connaissance, le métier de libraire requiert à la fois des compétences techniques et un bagage culturel important. Les formations, une quinzaine d’IUT métiers du livre option librairie et quelques organismes spécialisés, s’efforcent d’assurer l’équilibre entre ces deux pôles également indispensables. Bien qu’accessible avec le baccalauréat, la formation de vendeur conseiller commercial en libraire dispensée par la chambre de commerce et d’industrie de Lyon accueille beaucoup d’élèves titulaires d’un diplôme universitaire. « Ils possèdent déjà une bonne culture générale et sont vraiment passionnés par les livres, mais ils ont une vision un peu idéalisée de l’activité, souligne Christine Gulyas, responsable de la formation. Or, il ne faut pas oublier que la finalité reste la vente. Nous leur apprenons les techniques du métier dans ses multiples facettes. » Dispensée en alternance sur treize mois, la formation propose 600 heures de cours sur tous les aspects du métier : marketing, merchandising, veille documentaire, conseil au client. A l’Institut national de formation de la librairie (INFL), qui prépare en alternance au CAP d’employé de librairie-papeterie-presse et au brevet professionnel de libraire, la formation se partage entre les acquis purement techniques (techniques de vente, gestion des stocks, les fournisseurs) et l’acquisition de savoirs tels que la connaissance des réseaux, la communication ou encore la mise en valeur des fonds.

La principale évolution du métier est sans doute le renforcement de l’activité de médiation. Alors que la vente par Internet gagne du terrain, la culture générale du libraire, son rôle de conseil sont plus importants que jamais. « Les libraires qui attendent les clients sans rien faire sont morts, assène Claude Naves, directeur de l’INFL. Le libraire est l’un des rares acteurs culturels privés dans une ville. Son implication dans la vie locale, son rôle d’animateur sont essentiels. » A l’Université catholique de l’Ouest, à Laval, qui prépare également au brevet professionnel en alternance, Evelyne Darmanin, responsable de la formation, considère même que la médiation constitue le cœur du métier : « Le libraire doit être dans une dynamique d’accueil du client, et créer un espace vivant où il se passe quelque chose. La simple mise à disposition de livres, Internet s’en charge. »

S’appuyant sur le référentiel du brevet professionnel actualisé en 2009, les enseignements dispensés à Laval s’organisent autour de trois axes principaux : la méthodologie de projet, l’animation et la vente-conseil. Au-delà des acquis techniques, c’est une culture du métier et une attitude que souhaite insuffler la formation : « Etre libraire, c’est oser, être créatif, réactif, en lien avec le contexte local », résume Evelyne Darmanin. La formation de commerciaux en librairie dispensée par l’organisme de formation Afpam, à Reims, a quant à elle changé son intitulé pour devenir formation de « vendeur de produits culturels » et mieux refléter la réalité et la diversité du métier. La formation, 810 heures de cours et 350 heures de stage sur neuf mois, prépare aux techniques commerciales et à la connaissance des produits. Elle aborde notamment, depuis deux ans déjà, les supports numériques tels que les tablettes et les liseuses, qui sont aujourd’hui partie intégrante du paysage des produits culturels. L’IUT métiers du livre option librairie de Bordeaux a également ouvert sa formation à l’aspect numérique avec des cours sur l’e-commerce et la librairie en ligne.

Un marché de l’emploi actif.

Le marché de l’emploi reste assez actif. 50 % des diplômés de l’Université catholique de l’Ouest trouvent un emploi dès la fin de leur cursus. Sur les 13 diplômés de la dernière promotion de la formation de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, 10 ont trouvé un contrat, dont la moitié dans la structure où ils avaient fait leur apprentissage. Mais l’organisme reconnaît que toutes les promotions ne connaissent pas un taux de placement aussi bon. Le CFCL de Reims insiste quant à lui sur la nécessité de se montrer mobile. « Des points de vente ferment, mais d’autres enseignes, comme le Furet du Nord, annoncent des ouvertures de magasins en 2013 », souligne Agnès Chavarot, responsable de la formation. A l’INFL, 28 % de la dernière promotion du brevet professionnel comptait poursuivre des études et un peu plus du tiers avait déjà signé, le jour de l’examen, un CDD ou un CDI. Concernant la licence professionnelle, préparée conjointement par l’INFL et l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, un peu plus d’un tiers de la promotion 2011 entendait poursuivre des études à l’issue de la licence, et deux tiers avaient trouvé un emploi dans les six mois. Malgré le contexte économique peu favorable, un nombre croissant de jeunes professionnels se montrent désireux d’ouvrir leur propre structure : « Nous voyons des jeunes très motivés, animés par un réel esprit d’entreprise », observe Claude Naves, à l’INFL.< V. H.

Bibliothèques : sous le signe de la polyvalence

Les formations doivent s’adapter aux évolutions du métier, en particulier la médiation et le numérique.

Sous les effets conjugués du développement du numérique, de l’évolution des pratiques culturelles des usagers et de la diversification des missions attribuées aux bibliothèques, le métier de bibliothécaire s’est profondément transformé au cours des dix dernières années. Il n’est plus organisé comme auparavant autour de la gestion matérielle des collections, mais autour de la notion de services à l’usager, où la médiation, la valorisation des ressources, quelle que soit leur nature, tiennent une place prépondérante. Gestionnaire de données, animateur, webmaster, programmateur culturel : au cours de sa carrière, le professionnel sera amené à assumer des fonctions très différentes.

Numérique et médiation.

Métier aux multiples facettes, le rôle du bibliothécaire est aujourd’hui caractérisé par une grande diversité et par une grande polyvalence. Les différentes formations, IUT métiers du livre option documentation, et quelques organismes spécialisés ont fait ces dernières années d’importants efforts pour mieux répondre à ces nouvelles réalités. L’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib), qui assure la formation post-concours des conservateurs de bibliothèque d’Etat, des conservateurs territoriaux et des bibliothécaires d’Etat, a ainsi entrepris une importante réforme de ses enseignements en 2011 pour les rendre plus opérationnels, plus fortement en prise avec le terrain. Le nombre d’heures de cours a reculé de 720 à 500 pour laisser une part plus grande au travail personnel, en particulier à la gestion de projet, tandis que les stages occupent six mois, soit un tiers de la formation. Les enseignements se répartissent entre un premier semestre consacré à la culture générale professionnelle et aux apprentissages fondamentaux (construire une politique documentaire, comprendre le numérique, gérer une équipe), et un second semestre au cours duquel les élèves approfondissent l’une des trois thématiques proposées (le numérique, le patrimoine, les services aux publics). Les cours strictement techniques ont été réduits, voire complètement supprimés, comme dans le cas du catalogage. « La technologie évoluant extrêmement vite, on enseigne un mode d’approche plutôt qu’une technique ou un langage informatique particulier », explique Bertrand Calenge, directeur des études de l’Enssib.

L’apparition du numérique dans l’ensemble des champs d’activité du métier de bibliothécaire et le développement des missions de médiation constituent les principales évolutions du métier. A l’école de bibliothécaires-documentalistes de l’Institut catholique de Paris, qui forme des bibliothécaires-documentalistes et des gestionnaires de l’information, la médiation fait partie depuis longtemps des apprentissages. Mais les enseignements se sont récemment ouverts à sa déclinaison numérique : outils du Web 2.0, blogs, etc. Les aspects technique (numérisation des collections, nouveaux formats de catalogage) et juridique (environnement réglementaire, négociation de droits) se sont également développés. L’Enssib a, de son côté, créé en 2011 un master du document numérique dont l’objectif est de former des spécialistes de l’information numérique. Après une première année en tronc commun avec le mastère sciences de l’information et des bibliothèques, trois spécialités sont proposées pour la deuxième année : « information scientifique et technique » en collaboration avec l’université de Lyon-1, « publication numérique » en lien avec l’université de Paris-13, et « archives numériques », en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France.

La formation continue est, elle aussi, dominée aujourd’hui par le numérique. A Médiadix, le centre régional de formation aux carrières des bibliothèques de la région Ile-de-France rattaché au pôle métiers du livre de l’université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, le sujet est abordé non plus de manière globale comme auparavant, mais sous des aspects très ciblés et concrets. « Aujourd’hui, le numérique est présent dans tous les secteurs de formation : les collections numériques, la médiation numérique, la numérisation des documents », explique Christophe Pavlidès, directeur de Médiadix. Les enseignements techniques demeurent, mais se transforment : les traditionnelles sessions de catalogage font place aux nouveaux formats de description désormais interopérables avec Internet.

Des recrutements sélectifs.

Même si l’essentiel des recrutements en bibliothèque passe par les concours de la fonction publique, le mode de sélection tend à se rapprocher de celui pratiqué dans le secteur privé. En une période de diminution constante des postes, employeurs et candidats se montrent particulièrement soucieux de faire les bons choix. « Les recruteurs étudient en priorité le lieu du stage principal et le projet mené par le candidat pour déterminer si son profil correspond au poste visé », souligne Bertrand Calenge. A l’école de bibliothécaires- documentalistes de l’Institut catholique de Paris, on annonce un taux d’insertion de 80 %, la moitié en bibliothèque, l’autre moitié dans les services de documentation des entreprises. < V. H.

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