Après deux années difficiles, le redémarrage était attendu ; mais c'est un véritable bond en avant qu'ont fait l'an dernier les exportations françaises de livres. D'après les statistiques douanières retraitées par la Centrale de l'édition, elles ont progressé de 6 %, effaçant les contre-performances des années 2008 (- 0,9 %) et surtout 2010 (- 4,1 %), marquées à la fois par les impacts des crises financière et économique et par le dépôt de bilan du Celf, le Centre d'exportation du livre français (1). Pour la première fois, elles passent la barre des 700 millions d'euros, à 704,7 millions, et cette embellie vient à point alors que, en France même, les ventes de livres au détail se sont au contraire tassées l'an dernier de 0,5 % (2).
L'entrain des Belges
En dépit de ses difficultés politiques, la Belgique, qui absorbe près du tiers des ventes de livres français hors de l'Hexagone, est la principale locomotive de la reprise des exportations. Certains distributeurs y ont procédé à des (re)constitutions de stocks, estime-t-on à la Centrale de l'édition, où l'on admet que la hausse des expéditions de livres français outre-Quiévrain en 2010 (+ 12,6 %) excède largement la progression du marché du livre belge au cours de l'année. Lissée sur trois ans, la progression des expéditions en Belgique atteint 5 %. Vers la Suisse aussi, les exportations se sont plutôt bien comportées. Elles affichent une croissance de 1,2 %, bienvenue même si elles ne retrouvent pas leur niveau de 2008.
Le retour de l'Amérique
Le réveil des exportations de livres outre-Atlantique constitue la deuxième bonne surprise de l'année 2010. Troisième client du livre français à l'étranger, le Canada talonne désormais la Suisse. Là encore, selon la Centrale de l'édition, la forte hausse des exportations françaises de livres (+ 7,6 %) s'explique notamment par les constitutions de stocks de certains distributeurs au Québec. Mais l'activité retrouve aussi une orientation favorable en direction des Etats-Unis (+ 4,1 %), où elle avait nettement reculé les années précédentes.
De même, après un véritable trou d'air en 2009, crise économique et financière oblige, les exportations françaises de livres enregistrent un très net rétablissement en Amérique latine (+ 17,4 %). Elles sont tirées par de fortes hausses au Mexique (+ 16 %) et surtout au Brésil (+ 31,2 %), les deux principaux clients de la France au sud du Rio Grande.
Les évolutions sont également favorables en Colombie (+ 26,1 %) et en Argentine (+ 7,8 %), mais négatives au Chili (- 8,9 %, mais + 10 % en évolution moyenne lissée sur trois ans) et au Pérou (- 12,2 %, mais + 21,8 % en moyenne). Aux Antilles, en revanche, le principal marché pour la France, Haïti, a souffert sévèrement des conséquences du séisme de janvier 2010 (- 28,7 %, à seulement 770 000 euros).
Un redémarrage en Asie
La reprise des achats de livres français est encore plus forte en Asie, où le bond en avant atteint globalement 36,1 %. Elle est particulièrement sensible dans les principaux pays clients de l'édition française, où la liquidation du Celf en 2009 semble aujourd'hui en partie digérée. Parmi eux, seul le Japon (- 1,1 %), numéro un, apparaît en retrait. Les ventes sont en forte hausse vers Hongkong (+ 160,6 %), la Chine (+ 66,6 %), Taïwan (+ 35 %), la Corée du Sud (+ 79,6 %) ou même Singapour (+ 19,2 %). De manière moins attendue, nos exportations sont également très bien orientées en direction de l'Australie (+ 14,7 %) et de l'Inde (+ 95,3 %), après plusieurs années de décélération.
Une stagnation au Maghreb
Les performances sont plus contrastées au Proche et au Moyen-Orient, encore très marqués l'an dernier par les impacts de la crise économique qui a largement provoqué, au début de cette année, les révolutions arabes. On assiste à de belles reprises des ventes au Liban (+ 11,1 %), en Egypte (+ 20,1 %) ou encore dans les Emirats arabes unis (+ 37,3 %). Mais l'activité baisse en Israël (- 17,1 %) et dans la plupart des autres pays arabes hors Maghreb. Surtout, les ventes en direction du Maghreb stagnent (- 0,3 % pour l'ensemble des trois pays). La belle progression de l'activité en Tunisie (+ 11,2 %) ne suffit pas à compenser le recul en Algérie (- 7 %), tandis que les exportations des éditeurs français piétinent au Maroc (+ 0,3 %).
L'Afrique en retrait
Le climat est même un peu plus morose en Afrique subsaharienne. Dans l'ensemble des pays non francophones, le tassement (- 1,1 %) n'est pas significatif : en moyenne annuelle sur trois ans, les exportations françaises de livres s'affichent à + 21,2 %. En 2010, des marchés spécifiques les ont fait bondir de 274 % en Afrique du Sud, et la tendance est aussi positive au Nigeria, en Tanzanie ou encore au Kenya. Mais vers l'Afrique francophone, dont le poids dans les exportations est beaucoup plus important, le retrait est de 4 %. Au rang des plus, la très provisoire embellie en Côte d'Ivoire (+ 112,8 %), juste avant les affrontements qui ont accompagné la perte du pouvoir par le président Gbagbo, et de jolies performances au Gabon (+ 24,3 %), à Maurice (+ 52,8 %), en Centrafrique (+ 157,3 %), à Djibouti (+ 21,1 %) et au Mali (+ 92,1 %). Mais du côté des moins, les reculs s'accumulent au Cameroun (- 13,4 %), au Sénégal (- 16,8 %), en République démocratique du Congo (- 62,6 %) comme au Congo (- 22 %), au Togo (- 11,5 %), au Bénin (- 36,1 %) ou au Burkina Faso (- 53,3 %).
Effondrement au Royaume-Uni
En Europe, hors de l'espace francophone, les marchés demeurent très difficiles pour le livre français. L'activité, qui stagne en Allemagne et en Espagne et s'est relevée en Italie (+ 13,4 %), continue de s'effondrer au Royaume-Uni (- 23,7 %), où les exportations françaises ne pèsent plus que 14,5 millions d'euros en 2010, contre 24,1 en 2007. Au Pays-Bas, un sursaut de 13,8 % l'an dernier ne suffit pas à contrecarrer une chute tendancielle (- 13,8 % en évolution moyenne sur trois ans). Les performances sont encourageantes au Luxembourg (+ 11,7 %) et honorables au Portugal et en Pologne. Mais elles sont beaucoup plus contrastées sur les marchés plus restreints pour le livre français, avec des embellies fragiles en Autriche, en Irlande, en Tchéquie, en Hongrie, à Chypre ou en Roumanie, et des chutes en Finlande, dans la Grèce en crise, au Danemark ou encore en Suède.
Les exportations de livres français vers l'Europe centrale et orientale continuent de décélérer à un rythme soutenu (- 11,3 % au total). En Europe de l'Est, seule la Russie demeure un marché significatif pour l'édition française, mais il reflue de 19,2 % en 2010 (- 15,3 % d'évolution moyenne sur trois ans) et ne pèse plus que 2,6 millions d'euros. L'édition française peut en revanche miser sur la Turquie. Certes, elle n'y a exporté que pour 1,9 million d'euros de livres en 2010, mais ce chiffre traduit un bond de 33,3 %. En évolution moyenne annuelle sur trois ans, le rythme de progression se fixe à + 8,6 %.
Globalement en tout cas, le poids de l'Union européenne dans les exportations françaises de livres gagne encore un point en 2010, à 45,7 %. L'ensemble des pays francophones représente 77,9 % du chiffre d'affaires export de l'édition française, contre 77,2 % en 2009 et 74,1 % en 2008 et 2007. Une année après l'autre, les ventes de livres français à l'étranger se concentrent toujours plus sur un nombre plus restreint de pays.
(1) Voir LH 816, du 9.4.2010, p. 12-14.
(2) Source : Livres Hebdo/I + C.