Le 28 novembre 2017, le Syndicat National de l’Edition (SNE) a conclu avec différentes organisations représentatives de photographes et d’agences
un nouveau « Code des usages en matière d’illustration photographique ».
Ce nouveau texte est l’occasion de faire le point sur la valeur juridique des usages dans le domaine du livre.
Les éditeurs aiment en effet faire appel aux « usages » pour justifier aux auteurs telle ou telle de leurs décisions. Le droit y fait lui aussi référence, mais n’admet leur valeur que dans des cas relativement délimités.
Les usages – comme les « coutumes » – sont une des « sources » du droit. Leur place est cependant bien inférieure à celle la législation et de la réglementation. Ce n’est donc bien souvent que par défaut qu’ils seront discutés pour juger des agissements de l’auteur comme de l’éditeur. Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) est assez précis à propos des règles applicables au contrat d’édition, mais il fait toutefois mention, à plusieurs reprises, des « usages ».
Au cas par cas
Ainsi, après la publication de l’ouvrage proprement dite, et selon les termes de l’article L. 132-12 du CPI, «
l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession ».
Il en est encore de même du régime juridique du contrat à compte d’auteur. L’article L. 132-2 précise que « c
e contrat constitue un louage d’ouvrage régi par la convention, les usages et les dispositions des articles 1787 et suivants du Code civil ». Quant au contrat de compte à demi, l’article L. 132-3 souligne qu’«
il est régi, sous réserve des dispositions prévues aux articles 1871 et suivants du Code civil, par la convention et les usages ».
Par ailleurs, selon l’article L.131-3 du CPI, l’éditeur «
bénéficiaire de la cession » des droits d’adaptation audiovisuelle «
s’engage […] à rechercher une exploitation du droit cédé conformément aux usages de la profession ».
Enfin, l’article R. 322-4 du CPI mentionne, au sujet des sociétés chargées de percevoir les redevances relatives à la reprographie, les «
usages des professions concernées ».
Jurisprudence
Dans certaines situations, la jurisprudence fait elle aussi appel spontanément aux « usages ». C’est ainsi que, pour le délai de remise du manuscrit, les juges n’hésitent pas à laisser les auteurs prendre leur temps. Pour autoriser jusqu’à neuf mois de retard, les magistrats ont alors recours à la notion très fluctuante de « délais raisonnables », qui repose là encore sur les seuls usages de la profession…
Il en est de même quant aux mentions qui peuvent accompagner le nom de l’auteur, telles que son appartenance à une académie.
Les pourcentages acceptables sont eux aussi déterminés, en justice, à partir des usages. Ainsi, l’article L. 131-5 du CPI vise «
un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l’œuvre », qui ouvre la voie à la révision des conditions de prix du contrat. Il faut pour cela que l’auteur démontre qu’il a été lésé d’au moins sept douzièmes (c’est là le chiffre traditionnellement retenu par le Code civil) de la rémunération qu’il aurait pu légitimement attendre. Et dans ce cas, les usages de la profession font bien entendu référence.
Par ailleurs, plusieurs codes des usages ont été élaborés par le Syndicat national de l’édition et des instances représentatives des auteurs. Tout comme les barèmes professionnels, les « codes des usages » ne peuvent être qu’indicatifs et n’ont pas de véritable force obligatoire, ainsi que l’a rappelé la cour d’appel de Paris, le 8 septembre 1993. La jurisprudence semble toutefois de plus en plus hésitante dans certaines situations. La Cour de cassation a, en effet, le 19 février 2002, rendu un arrêt qui confère une valeur supplétive au Code des usages en matière d’illustration photographique : les hauts magistrats ont considéré, en l’espèce, que le litige mettait en cause deux professionnels qui certes n’avaient pas fait référence audit code mais le connaissaient bel et bien tous deux.
Bonnes bases
En tout état de cause, ces codes constituent souvent de bonnes bases pour rédiger un contrat équilibré et conforme à la législation. Et ce, d’autant plus que c’est parfois dans ces mêmes codes qu’il a été d’abord mis clairement fin à des « mauvais » usages, tels que la clause de « passe » dans les contrats d’édition.
Il existe donc un « Code des usages entre écrivains et éditeurs de littérature générale », un « Code des usages relatif à la traduction de littérature générale », une « Convention en matière de reproduction d’œuvre d’art », un « Code des usages en matière d’illustration par dessin » et, enfin, un « Code des usages en matière d’illustration photographique », qu’il vaut mieux avoir au moins une fois consultés…
Soulignons, pour conclure, que la précédente version de ce dernier code remontait au 5 mai 1993. Le nouveau, conclu entre le SNE, la Fédération nationale des agences de presse Photos et Informations (FNAPPI), le Syndicat des Agences photographiques d’illustration et de reportages (SAPHIR), le Syndicat national des agences photographiques d’illustration générale (SNAPIG) et l’Union des photographes professionnels (UPP) qui prend pleinement en compte la dimension numérique des photographies.