A l'origine, pourtant, c'est bien la mairie de Toulouse qui a voulu exposer une dizaine de planches du jeune auteur belge. Après avoir été contacté, il a donné son autorisation. "C'est eux qui ont choisi les planches" explique-t-il à Livres Hebdo. Il a même proposé d'ajouter quelques planches, avec leur accord. En revanche, lorsque la commission Cohésion sociale, très divisée sur le projet, a décidé d'annuler l'exposition lundi 17 novembre, personne ne l'a informé. Thomas Mathieu a appris la nouvelle par le groupe PS.
La gauche sort les crocs
L'affaire est devenue politique entre la majorité UMP et l'opposition de gauche. La municipalité trouve les planches "trop choquantes". Selon La Dépêche du midi, une élue, Laurence Katzenmeyer considèrent certains dessins comme vulgaires et immoraux. Jugeant certaines images et certains propos trop crus, la conseillère municipale déléguée et vice-présidente de Toulouse Métropole en charge de la cohésion sociale, Julie Escudier a tenté de justifier la décision sur France 3 Midi-Pyrénées: "Qui voit ces planches concrètement ? Les enfants, les adolescents, comment est-ce que ça peut-être perçu ? Est-ce qu'on traite la violence par la violence ? Est-ce que c'est la façon de concevoir la présentation pour faire en sorte d'endiguer ou de lutter contre les violences. ”
L'opposition crie à la "censure” et considère l'annulation de l'exposition comme "infondée”. Le groupe Parti Socialiste s'est plaint par un courrier adressé au Maire. Le groupe Europe Ecologie Les Verts a décidé d'initier une action de sensibilisation où sont invités les autres partis de gauche et diverses associations, mardi 25 novembre à 18 heures square Charles-de-Gaulle.
Libération de la parole
Paru aux éditions Le Lombard fin octobre, la bande dessinée Les Crocodiles est conçue autour de témoignages réels sur le harcèlement de rue, l'agression verbale ou physique, le machisme et le sexisme ordinaires. Les hommes sont représentés en crocodiles verts, tandis que les personnages féminins sont traités de manière plus réaliste en noir et blanc. C'est parfois très cru mais la BD a une dimension pédagogique indéniable. L'exposition a été, à l'origine, demandée par la mairie qui souhaitait utiliser 18 des planches de la BD dans le cadre de la Journée du 25 novembre. Thomas Mathieu avait déjà exposé sa création au début de l'année à l'université Paris I.
Pour son éditrice, Nathalie Van Campenhoudt, Les Crocodiles, de Thomas Mathieu"participe, à sa manière, à un des combats selon moi majeurs de ce début de XXIe siècle, à savoir la lutte contre tous les comportements visant à imposer une domination aux femmes simplement parce qu'elles sont femmes, contre la violence physique et symbolique à laquelle les femmes sont encore trop souvent confrontées dans leur vie quotidienne.”
Elle ajoute : "Le travail de Thomas Mathieu permet de libérer la parole des femmes qui est encore trop souvent bridée, minimisée, voire occultée. Thomas devient, via ses planches, un formidable vecteur pour cette parole ; il magnifie ces témoignages et participe à une prise de conscience collective que je trouve très réjouissante. Le succès du Tumblr "Projet Crocodiles" que Thomas anime est une excellente nouvelle !”