Derrière la Fronde, il y eut aussi des Frondeuses. Profitant de l’agitation politique, ces amazones aristocrates avaient trouvé l’occasion de se faire entendre d’un pouvoir exclusivement masculin - malgré la présence de la régente Anne d’Autriche - qui considérait les femmes comme naturellement inférieures. Coincées le plus souvent entre un mari ouvertement opposant au régime vacillant et des princes inflexibles mais inquiets, quelques-unes prirent le parti d’imposer leur vision d’une monarchie bien tempérée en usant de leurs liens familiaux avec d’autres cours européennes. Lettres, pamphlets et manifestes se succédèrent pour marquer l’histoire de cette contestation que Louis XIV tenta de rayer de la mémoire nationale. La « Grande Mademoiselle », qui fut raillée par Michelet, s’autorisa de son grand-père Henri IV pour se faire la mémorialiste de cette action. Parmi ces aristocrates rebelles, on trouvait la duchesse de Bouillon, dont l’opposition à Mazarin la conduisit en prison, la duchesse de Longueville, qui s’éloigna de la fratrie pour mener seule le combat, ou la princesse de Condé. Toutes ces femmes s’engagèrent dans la Fronde pour soutenir les intérêts de leurs familles face à la défaillance des représentants masculins. Enseignante à l’université de Toulouse-Le Mirail, Sophie Vergnes a tiré de sa thèse de doctorat un livre original qui sort ces intrigantes du cliché misogyne. Les portraits de ces dames nous éclairent sur la manière dont le pouvoir futur de Louis XIV sort renforcé de cette période de troubles. Car l’échec de la Fronde fut aussi celui des Frondeuses.
Laurent Lemire