La Commission de la concurrence (Comco) suisse pourrait rendre son verdict prochainement à propos des infractions dont elle accuse les diffuseurs de livres français sur le marché helvétique. Après avoir rendu un rapport très sévère cet été sur les entraves à la concurrence que constituent les accords de fixation de prix imposés aux librairies suisses, elle a laissé deux mois aux onze entreprises concernées, dont les filiales locales d'Interforum-Editis, Hachette Livre, Gallimard, Flammarion, La Martinière-Le Seuil, pour répondre, et contester ses affirmations. Leurs représentants ont pu aussi s'exprimer au cours de trois auditions, étalées jusqu'au 11 décembre. La Comco peut donc considérer qu'elle a bouclé ce dossier, et rendre son verdict. Un complément d'enquête est toutefois possible, rappelle le service de presse de la Commission.
Vu son rapport initial, il faudrait un revirement spectaculaire pour que les diffuseurs échappent à toute sanction, ou ne se voient imposer au minimum quelques changements dans leurs relations avec les libraires. En cause, les niveaux de tabelle, c'est-à-dire le différentiel imposé entre les prix des livres en francs suisses et en euros, et l'impossibilité pour les libraires de s'approvisionner directement en France, pour profiter du taux de change très favorable depuis la chute de l'euro.
Même si le prix en francs suisses a baissé de 15 à 20 %, le différentiel reste toujours trop important aux yeux des Suisses romands - il peut encore atteindre 35 % après conversion. Ce sont bien ces désordres monétaires qui ont transformé le prix du livre en débat public, d'autant plus exacerbé que le prix d'origine en euros est visible sur les livres, contrairement aux autres produits importés. La Comco sait donc sa décision très attendue, depuis l'échec de la votation sur le prix réglementé, qui était défendu par les partisans du "oui" comme une solution à ce problème.
Lavés de tout soupçon de collusion dans l'enquête, les libraires sont dans l'expectative : les prix élevés leur assurent une marge confortable, mais leur font perdre des clients qui vont chercher leurs livres en France ou s'approvisionnent sur Internet. Les indépendants ne se voient pas organiser un circuit d'importation directe, et l'idéal pour eux serait que l'organisation actuelle perdure, avec des niveaux de tabelle plus bas, de 15 à 20 %, similaires à ceux qui sont pratiqués en Suisse alémanique.