Subhash et Udayan Mitra sont frères. Les deux héros de Jhumpa Lahiri ont quinze mois d’écart. Fils d’un employé de bureau des chemins de fer, ils habitent Calcutta, dix ans après la partition de 1947. Subhash et Udayan jouent au football et au golf. Même s’ils n’ont pas le droit de pénétrer dans le Tolly Club dont les hauts murs d’enceinte tiennent les intrus à distance.
Enfants, ils étaient semblables. L’aîné était un garçon sage tandis que son cadet se montrait plus audacieux, jouait à disparaître et pouvait être capable de demander un autographe aux actrices qui tournaient au Technicians’ Studio. L’un a ensuite étudié la physique, l’autre le génie chimique, dans un pays sujet aux troubles politiques. Où certains semblent fascinés par les idées du président Mao. Où se crée le Parti communiste d’Inde (marxiste-léniniste). Epris d’ailleurs, Subhash ressent le besoin de partir pour les Etats-Unis, de s’inscrire à l’université. Tandis que Udayan reste sur sa terre natale et se rapproche de la rébellion qui gronde.
En Amérique, Subhash commence seul à "apprendre le pays, comme il avait autrefois appris à tenir debout, à marcher, à parler". Et aussi à vivre sans son frère… Née à Londres de parents bengalis, établie sur la côte Est des Etats-Unis, Jhumpa Lahiri a reçu le prix Pulitzer pour son premier livre, L’interprète des maladies (Mercure de France, 2000, repris chez Folio). Elle bâtit depuis une œuvre forte qui ne cesse de s’interroger sur la notion de racine et sur le décalage entre deux civilisations. Jouant avec la tragédie, Longues distances est une saga familiale parfaitement orchestrée par une écrivaine dont la subtilité n’est pas la moindre des qualités. Al. F.