Paris, dans quelque temps. Ce n'est pas la fin du monde, mais cela y ressemble. Une guerre civile terrible fait rage, déchirant la ville, le pays tout entier. Une pandémie décime la population (avec une préférence marquée pour les porteurs du rhésus sanguin AB) et la dresse en deux camps irréconciliables, les "infectés" et les autres. Au milieu de ce pandémonium, de cette chambre des désastres, Antoine Kaplan, un médecin chargé de repérer les sujets porteurs du virus, a du vague à l'âme. Sa femme, Hélène, une scénariste de bande dessinée ayant eu par le passé maille à partir avec les autorités, a disparu, sans laisser d'adresse. Et ce chagrin se substitue peu à peu pour le docteur mélancolique à la tragédie nationale.
Cela est une des façons possibles de raconter Avant de disparaître, le nouveau roman de Xabi Molia. Il y en aurait d'autres, tout aussi inattendues et gorgées d'une belle jouissance du romanesque. Découvert à 22 ans avec la publication d'un déjà très intrigant Fourbi (Gallimard, 2000), Xabi Molia révèle ici un nouveau pan de son talent. Ce récit d'anticipation sentimental et horrifique n'est pas sans rappeler - et peut-être le tropisme basque de leurs auteurs n'y est pas étranger - Les derniers jours du monde de Dominique Noguez. Ici aussi, la fin d'une histoire coïncide avec celle de l'Histoire. Molia y introduit, sans que cela nuise jamais à la fluidité du récit, des variations morales et politiques, qui ne surprendront pas les familiers de son oeuvre, et notamment les spectateurs de son récent et très réussi premier long-métrage de cinéma, Huit fois debout. Antoine Kaplan divague entre les ruines de son amour mort et celles du pays, de son organisation sociale. Il n'est peut-être pas indifférent de noter qu'il porte le nom du personnage que ne se résout pas à être Cary Grant dans La mort aux trousses. Lui aussi ne sait plus très bien où il en est, ni ce que lui veut le monde. En tous cas, il n'en attend plus rien. Si ce n'est, puisque ce roman est un feu d'artifice d'intelligence et d'imagination, le bouquet final.