Les libraires insèrent eux-mêmes l'encart judiciaire dans Belle et Bête

© Livres Hebdo

Les libraires insèrent eux-mêmes l'encart judiciaire dans Belle et Bête

Après la décision de justice du 26 février, Stock a demandé aux détaillants d'imprimer et d'insérer dans les exemplaires qu'ils avaient en stock l'encart signalant que le livre de Marcela Iacub «porte atteinte à la vie privée de Dominique Strauss-Kahn».

Par Catherine Andreucci
avec ca et hh Créé le 15.04.2015 à 21h00

En milieu d'après-midi, mercredi 27 février, chez Gibert Joseph à Paris, une feuille A4 pliée en deux avait été insérée dans chacun des quinze exemplaires disponibles de Belle et Bête de Marcela Iacub (Stock). Ordonné par le tribunal de grande instance de Paris le 26 février (voir notre actualité, l'encart mentionne que «le livre porte atteinte à la vie privée de Dominique Strauss-Kahn».

Les ouvrages ayant été expédiés en début de semaine pour la mise en vente prévue le 27 février, il revenait en effet aux libraires de mettre en oeuvre la décision de justice rendue la veille au soir. Le tribunal de grande instance a aussi condamné Stock et Marcela Iacub à verser 50 000 euros à titre de dommages-intérêts à Dominique Strauss-Kahn. Dans la soirée, l'éditeur a envoyé un avis aux libraires leur demandant de procéder à l'insertion du texte dans les livres reçus.

Selon l'avocat spécialiste de la propriété intellectuelle et des affaires de diffamation Emmanuel Pierrat, également blogueur sur livreshebdo.fr, «à 50 euros l'infraction constatée, les astreintes peuvent se révéler vite coûteuses si les libraires mettent les livres dont ils disposent en vente sans prendre la peine d'insérer l'encart ordonné par le juge. Il suffit d'envoyer quelques huissiers dans les plus grandes librairies et de vérifier les piles, explique l'avocat. D'autant qu'ensuite, le juge d'exécution de l'astreinte peut très bien décider d'alourdir son montant.» Toutefois les libraires qui ne respecteraient pas cette décision ne risquent rien eux-mêmes, dans la mesure où ils ne sont pas parties à la procédure.

«C'est une situation juridique un peu dépourvue de sens, dans la mesure où l'éditeur n'a plus la maîtrise des ouvrages arrivés en librairie», reconnaît Me Christophe Bigot, avocat de Stock dans cette affaire. D'où la retenue des expéditions de réassort prévues par l'éditeur, qui tient à gérer autant que possible lui-même cette insertion. La version numérique, elle, comporte déjà l'encart demandé par la justice.

Pour l'heure, la plupart des libraires semblent avoir obtempéré à la demande de l'éditeur. «Dès l'ouverture ce matin, nous avons appelé Stock qui nous a immédiatement envoyé le mail avec le PDF de l'encart, que nous avons imprimé et massicoté pour qu'il soit aux dimensions de l'ouvrage, comme la justice le demandait, explique Pierre Coutelle, responsable du pôle essais et savoir chez Mollat, à Bordeaux. Stock a bien fait les choses, avec un PDF au format et des précisions sur la dimension que devait avoir l'encart.» Mollat, qui avait commandé 50 exemplaires du livre, a effectué une commande de réassort de 200 exemplaires. «Si ça se vend, ça va se vendre en 15 jours», estime-t-il.

A La Boîte à livres, à Tours, l'encart a aussi été imprimé et inséré dans les 10 exemplaires reçus. Une nouvelle commande de 40 volumes a été effectuée. «J'en avais commandé 6 exemplaires, c'était facile d'imprimer l'encart et de l'insérer dans les livres», témoigne également Wilfrid Sejeau, gérant du Cyprès à Nevers. «Je m'attendais à ce que des clients me le demandent mais je n'en ai vendu aucun depuis ce matin. Je suis plutôt sceptique sur les ventes...»

En revanche, chez Quai des brumes, à Strasbourg, les libraires n'avaient pas reçu le livre : «Je ne suis pas sûr qu'on l'ait travaillé avec le représentant. J'ai appris son existence avec l'article du Nouvel Observateur la semaine dernière, et j'en ai commandé 10 exemplaires», indique le libraire.

Chez Sauramps à Montpellier, le livre a été reçu «deux jours avant la mise en vente, comme tous les offices. Nous avons attendu ce matin pour mettre en vente les 50 exemplaires, avec l'encart imprimé et découpé», précise Alain Monge, qui en a recommandé 50 exemplaires. «ça démarre, mais on en vend moins que Indignez-vous! depuis l'annonce de la mort de Stéphane Hessel ce matin...»

Sur Internet, Fnac.com a ajouté l'encart dès la page de descriptif de l'ouvrage. Pour sa part, Amazon indique que «suite à une décision judiciaire du tribunal de grande instance de Paris, la sortie de Belle et Bête est maintenue mais sa disponibilité est décalée afin de permettre l'insertion d'un encart en tête de chaque exemplaire.»

De son côté, Gibert Joseph a déjà proposé dans sa newsletter une sélection de titres sur le thème «DSK et Marcela Iacub».

Les dernières
actualités