Les librairies lilloises à l’ombre du Furet

L’équipe de la librairie Le Bateau livre. - Photo Charles Delcourt/Light Motiv

Les librairies lilloises à l’ombre du Furet

Les RNL de Lille offrent une belle occasion de visiter les librairies de la ville. Un réseau diversifié et dynamique, malgré le poids du navire amiral de la chaîne nordiste.

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Par Cécile Charonnat
avec Créé le 19.06.2015 à 02h03

Comment vit-on à Lille quand on est libraire et que le principal concurrent abrite 135 000 références de livres réparties sur 4 700 m2 et 9 niveaux donnant directement sur la grand-place ? Avec ses 19 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés grâce au livre, soit les deux tiers de son chiffre d’affaires total, le Furet du nord, ancien magasin de fourrure transformée en librairie en 1936, pèse très lourd sur le marché lillois. Sa position a façonné le paysage de la librairie dans la Capitale des Flandres, qui n’a pu faire autrement que de se développer à l’ombre du navire amiral de l’enseigne, entièrement remodelé à l’été 2014.

Soazic Courbet, librairie Dialogues Théâtre.

Pour trouver leur place, les libraires lillois ont choisi depuis une quinzaine d’années de jouer la carte de la spécialisation ou de l’éloignement. Une stratégie gagnante puisque le réseau n’a enregistré, sur cette période, que deux fermetures, celle de L’Arbre à lettres (généraliste) et celle de la librairie L’Harmattan. "Dans les années 1980 et 1990, le paysage était plutôt tristounet, mais aujourd’hui, malgré nos tailles souvent modestes, nous offrons un visage riche et varié", estime Gonzague Steenkiste, qui est devenu le premier challenger indépendant du Furet avec son Bateau Livre, repris en 1998. Cette librairie, à l’origine spécialisée jeunesse, a intégré une offre plus généraliste lors de son déménagement dans un quartier légèrement excentré en 2003. Elle dégage désormais un CA moyen de 1,6 million sur 200 m2.

Le déplacement a aussi constitué un facteur de développement pour Autour du monde, l’une des plus riches librairies de voyage avec 10 000 références, et plus récemment pour V.O., le temple de la littérature étrangère non traduite, dont le CA a bondi de 50 % depuis son installation il y a un an dans un nouveau local.

Dédiée aux littératures de l’imaginaire, la librairie des Quatre Chemins a suivi la même piste en décembre 2013. Avec un nouvel emplacement, à quelques encablures du Furet mais une surface presque deux fois plus grande (100 m2), Christophe Coquelet, fondateur de la librairie, compte doubler son CA pour le porter à 300 000 euros d’ici à la fin 2016. Il envisage également l’ouverture d’un second niveau, qui devrait lui permettre de proposer un rayon mythologie-contes et légendes, et d’élargir son offre d’occasion.

Un peu plus excentrée mais avec les mêmes problématiques, Lilya Aït Menguellet songe elle aussi à trouver un nouvel écrin pour Meura, l’institution lilloise de 40 m2 consacrée aux sciences humaines qu’elle a rachetée en 2009. En attendant, elle place beaucoup d’espoir dans le retour à sa porte de Sciences po, prévu pour la rentrée 2016.

Plus près de la grand-place, Soazic Courbet, à la tête depuis 2012 de Dialogues Théâtre, l’une des cinq librairies françaises dédiées aux arts vivants, a parié sur l’originalité de ses animations pour se différencier. "Plus c’est fou, plus ça fonctionne", assure celle qui n’hésite pas à programmer des speed datings, des speed actings ou des massages littéraires. Une stratégie qui, conjuguée à une réorganisation de l’assortiment pour privilégier l’autonomie des clients, a permis à la jeune libraire de stopper l'hémorragie de son activité.

La plus vieille librairie lilloise

Innover est également l’option choisie par Charlotte Valois. Propriétaire depuis 2010 de Tirloy, librairie à forte tonalité religieuse et littéraire qu’elle pilote avec sa mère, elle a mis en place l’opération "Libraires en campagne", s’invitant chez les gens pour vanter ses coups de cœur. Toujours pour donner un coup de jeune à la plus vieille librairie lilloise, elle changera prochainement son mobilier. Elle mène parallèlement un travail sur son assortiment, qu’elle élargit à des secteurs porteurs, tel le développement personnel, et sur sa vitrine, outil "essentiel pour faire entrer les gens". Elle l’a particulièrement soignée pour les RNL (Rencontres nationales de la librairie), à l’occasion desquelles, comme la plupart de ses confrères, elle restera ouverte samedi 20 juin jusqu’à 21 h. C. Ch.

19.06 2015

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