22 AOÛT - ROMAN France

Où son acteur de père, ange éphémère et déchu du cinéma français dans les années 1980, a-t-il passé "son année de voyage", en 1985, lorsque sa fille Denise avait 5 ans ? Dix-sept ans plus tard, la jeune femme part sur les traces de ce disparu, mort d'une overdose, explorant l'ombre d'une légende familiale, à travers la trajectoire d'un météore à la beauté fatale, symbole culte d'un milieu et d'une époque. A 22 ans, Denise semble étrangère à elle-même, une jeune vierge qui ressemble à une vieille fille. Elle est la petite-fille de Daroussa, mais elle n'a pas "d'avis particulier" sur les oeuvres de ce grand-père maternel, peintre de génie, mort peu avant sa naissance.

Dans sa quête, Denise tente d'interroger des témoins de cet âge de plaqué or au clinquant factice, de faire parler sa mère, Matilda, gardienne du mythe, toujours dans le culte du père de ses deux enfants, d'intéresser son frère. Mais c'est Gérard Lambert, marchand d'art qui a connu ses parents, rescapé intrigant de cette jeunesse, qui va ouvrir les portes d'accès. Personnage ambigu à la mémoire exceptionnelle, c'est ce "miraculé" qui va raconter ces temps de poudre aux yeux et dans le nez, où fuir l'ennui, jouir, vivre vite et... mourir jeune semblait constituer une morale. Paris, New York, Saint-Tropez, Londres composent le fond d'écran de ces vies sous stupéfiants dont l'héroïne est la maîtresse. Et on ne peut pas dire que la romancière en idéalise l'ivresse, sans toutefois juger. Y compris quand, dans le dernier tiers du roman, l'un des centres d'accueil pour toxicomanes du Patriarche sert de décor à une effrayante plongée dans cette communauté fondée par Lucien Engelmajer, gourou aux méthodes controversées, condamné en 2007.

Après le Seuil pour La fille de son père, premier roman d'Anne Berest, paru en 2010, c'est la collection de Martine Saada chez Grasset qui accueille ce deuxième texte à la construction maîtrisée, fiction documentaire maligne, jalonnée de personnages et de lieux réels où de jeunes héros gâtés se perdent dans un vertige mortifère. «Denise se souvenait de la gêne qu'elle ressentait souvent avec ses parents. Longtemps elle crut qu'ils étaient des gens très joyeux."

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