2 avril > Roman France

Jusque-là, le fils de Romain Gary et de Jean Seberg n’avait publié qu’un livre, S. ou L’espérance de vie (Gallimard, 2009, repris chez Folio), forcément autobiographique, sous le prénom de Diego. Le voici qui revient aujourd’hui en Alexandre Diego Gary, conquérant d’une place personnelle dans la littérature. Ce qui est bien sûr une gageure avec des parents pareils, et leurs disparitions tragiques. Mais l’on peut penser que Gary junior a enfin exorcisé ses démons. La preuve, son Monsieur est une pure merveille, un roman alambiqué, jubilatoire, coquin. Et il y glisse même quelques clins d’œil, quelques plaisanteries à propos de la grande ombre paternelle : "C’est écrit dans Les Misérables, ce grand livre de Romain Gary, la mort n’appartient qu’à Dieu."

Monsieur, donc, récit dans le récit, se présente sous la forme d’un long monologue où le héros raconte les péripéties de sa vie à un voisin de banc public, un "humaniste" avec "un nœud papillon jaune à pois violets". Le narrateur, quoique érotomane obsédé par les femmes à forte poitrine, coulait des jours tranquilles, obscur employé aux écritures à la Banque de France, bien noté par sa hiérarchie, jusqu’à sa rencontre, dans une boîte de nuit, avec une véritable furie. Tout son opposé : peu farouche, gagnant sa vie dans des peep-shows, vulgaire et mal embouchée, elle l’emballe et ne tarde pas à s’installer chez lui, rue de Grenelle. Mais, après une période bénie, un véritable Noël mammaire, elle va tout chambouler autour d’elle et entraîner le malheureux garçon dans une cascade d’expériences plus ou moins amusantes.

Elle transforme le narrateur en Johnny Blaireau, fan du PSG comme elle, lui fait faire de la muscu, lui impose des rapports extrêmes : travestissement, triolisme, une semaine enfermés dans un placard à vivre seulement d’amour, même pas d’eau fraîche. Tyrannique, infidèle, elle finira par s’enfuir avec un balayeur municipal, tandis que lui, jaloux et paranoïaque, mettra du temps à panser ses plaies et à recouvrer son quant-à-soi.

C’est drôle, écrit dans un style à la fois amphigourique et familier, farci de références littéraires et cinématographiques, et ça ne ressemble à personne d’autre : un écrivain est né. J.-C. P.

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