"Le droit d'auteur est un droit de l'homme. Les pays qui ne reconnaissent pas le droit d'auteur, qui cherchent sournoisement à le modifier ou à le contourner, se rapprochent des dictatures", a assuré Teresa Cremisi, directrice générale pour l'éditorial du groupe Madrigall, en ouverture de la conférence organisée au Salon du livre de Paris, ce vendredi 20 mars de 19h à 20h, sur le thème "Droit d'auteur et liberté d’expression : pour que vive la création". Animée par Olivier Weber, écrivain et grand reporter, elle a réuni, aux côtés de Teresa Cremisi, Kamel Daoud, écrivain et journaliste algérien, auteur du roman Meursault : contre-enquête (Actes Sud), Nadia Khiari, caricaturiste tunisienne et Plantu, le dessinateur de presse emblématique du journal Le Monde.
Menacé de mort depuis décembre par un mouvement salafiste, et sans le soutien de la justice de son pays, l'écrivain et journaliste Kamel Daoud a assuré ne pas vouloir du "rôle de l'intellectuel maghrébin menacé". "La victime de la répression et de la censure ce n'est pas Kamel Daoud, ni vous, ni Charlie, mais la culture et la liberté. Toute l'humanité est concernée, a-t-il ajouté. Je ne suis pas un militant, je suis quelqu'un qui se défend. Je n'aime pas qu'on touche à ma liberté d'être et de m'exprimer, et je refuse qu'on m'impose un Dieu".
La caricaturiste algérienne Nadia Khiari, qui fait partie de l'association Cartooning for peace - Dessins pour la paix avec Plantu, a alors évoqué la peur et les pressions que peuvent subir les créateurs qui s'expriment dans des régimes dicatoriaux : "Ben Ali avait tellement bien fait son travail de dictateur qu'on vivait dans la terreur et qu'on en arrivait à s'auto-censurer. Quand en tant que dessinateur, on commet l'acte d'auto-censure, cela dénote, je crois, d'une réalité encore plus grave que la censure elle-même." Le chat Wallis from Tunis est le personnage qu'a créé en quelques coups de crayons Nadia Khiari, en 2011, pour chroniquer la révolution tunisienne sur les réseaux sociaux. "Quand je fais un dessin, c'est parce que je suis en colère. C'est une révolte que j'exprime et que j'ai besoin de partager. Je veux pointer du doigt la manière dont on cherche à nous instrumentaliser, et faire comprendre par l'image et la satire le monde dans lequel on vit.", a-t-elle expliqué.
Le dessinateur Plantu a, quant à lui, affirmé qu' "il n'y a pas besoin de dépasser les frontières françaises pour connaitre la censure". Il explique alors : "Mon livre Caricaturistes : les fantassins de la démocratie, qui rassemble des caricatures de dessinateurs du monde entier, devait sortir chez Bayard. Bayard a jeté au pilon les 8000 exemplaires imprimés et a annulé sa sortie, qui était prévue à 3 jours des régionales en 2014, sans doute trop frileux face à certains dessins sur les dérives de l'Eglise catholique. J'ai alors appelé Actes Sud et Actes Sud l'a publié, sans hésiter. Merci à ce genre d'éditeurs, de nous soutenir et de soutenir la liberté d'expression."
Alors que Kamel Daoud livrait un triste constat sur les sociétés actuelles, en évoquant "un effondrement total et profond de tout ce qui fait l'humain", car selon lui "Daesh exprime de façon monstrueuse un rapport à la culture qui existe bel et bien et est ancré chez certaines populations", Teresa Cremisi a appelé au soutien sans faille du droit des auteurs à s'exprimer en leur nom : "Défendons les créateurs de culture qui oeuvrent pour la liberté d'expression. Ne les laissons pas seuls dans leur combat, ce serait un crime."