Sabine Audrerie, La Croix
Qui l'aura ? Je ne sais pas.
Qui devrait l'avoir ? Les sélections 2018 m'ont peu enthousiasmée. Y manquaient par exemple de beaux romans fédérateurs (Tiffany Tavernier, Nancy Huston, Maylis de Kerangal...), et des récits littéraires forts (Nathalie -Léger, Christophe Boltanski...), dont on objectera peut-être qu'ils ne sont pas des « romans d'imagination », comme le veut le règlement du jury Goncourt, qu'on remercie de s'être affranchi de cette loi en 2017 avec Eric Vuillard, ou en 2002 avec Pascal Quignard.
Bruno Corty, Le Figaro
Qui l'aura ? David Diop parce que son beau roman, Frère d'âme, paraît l'année du centenaire de l'Armistice et permet d'entendre la voix des tirailleurs sénégalais, peu audible jusque-là dans les romans sur la Grande Guerre.
Qui devrait l'avoir ? L'un de ces deux premiers romans formidables : La vraie vie d'Adeline Dieudonné et Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard.
Nathalie Crom, Télérama
Qui l'aura ? Je n'en sais rien.
Qui devrait l'avoir ? David Diop et sa fable tragique et humaniste, Nicolas Mathieu et son roman si juste seraient l'un comme l'autre de beaux et légitimes lauréats. Dommage, néanmoins, que le jury soit passé à côté d'Arcadie (P.O.L), le roman tellement inventif, littéraire et contemporain d'Emmanuelle Bayamack-Tam. A côté aussi, et même surtout, de l'admirable Idiotie (Grasset), l'inoubliable récit-poème de Pierre Guyotat.
Marie-Laure Delorme, Le JDD
Qui l'aura ?Frère d'âme de David Diop, au Seuil, pourrait remporter le prix Goncourt. Le roman possède des qualités précieuses qui lui font dresser des ponts entre hier et aujourd'hui, ici et là, exigence et accessibilité.
Qui devrait l'avoir ? Je pense qu'il ne faut se soucier de rien (ni des ventes, ni de la date de parution, ni du genre) et aller là où la littérature bat le plus fort. C'est si rare. Le lambeau de Philippe Lançon, chez Gallimard, est l'un des livres marquants de ces dernières années.
Catherine ---Fruchon-Toussaint, RFI
Qui l'aura ? J'aimerais bien savoir qui l'aura ! Mais je le souhaite à David Diop pour Frère d'âme, car ce deuxième roman est magnifiquement maîtrisé. L'auteur a réussi avec subtilité à rendre vivant le souvenir de tous les Sénégalais dont le sang a coulé au même titre que les soldats français, il y a cent ans précisément.
Qui devrait l'avoir ? Le Goncourt aurait pu couronner La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui, un premier roman époustouflant tant par sa langue explosive que sa narratrice hors du commun.
Alain Jean-Robert, AFP
Qui l'aura ? Le Goncourt pour un livre évoquant la Première Guerre mondiale l'année du centenaire de la fin de la grande boucherie, pourquoi pas ? Dans ces conditions, David Diop me semble le favori de ce millésime assez peu relevé.
Qui devrait l'avoir ? De fait, les Goncourt ont magistralement loupé le coche. Le prix aurait dû revenir à Philippe Lançon qui, avec Le lambeau, a signé le meilleur livre de l'année. Son absence dans la sélection est incompréhensible.
Nelly Kaprièlian, Les Inrocks
Qui l'aura ? David Diop, parce que son Frère d'âme est autant une réussite littéraire qu'historique, donnant une vraie place, dans la littérature française, aux jeunes Sénégalais envoyés au cœur de la boucherie de la Première Guerre mondiale. Salutaire, il dénonce la cruauté et l'hypocrisie du colonialisme, et au-delà, atteint à l'universel en parlant du deuil, de la perte, de la culpabilité, de la peur... Enfin, dans une langue magnifique, il montre toutes les étapes qui mènent l'humain à l'inhumain.
Qui devrait l'avoir ? David Diop pour les mêmes raisons.
Bernard Lehut, RTL
Qui l'aura ? Je n'en sais fichtre rien ! Les choix des Goncourt m'ont désarçonné comme jamais cette année. Pour ne pas me dégonfler et jouer le jeu malgré tout, je dis, mais vraiment au doigt mouillé, Greveillac !
Qui devrait l'avoir ?Chien-Loup de Serge Joncour (Flammarion). Populaire et littéraire, du grand romanesque ancré dans l'époque et dans la grande Histoire. Giono à l'heure de Netflix ! Ça nous change de l'auto et de l'exofiction, trop souvent béquilles d'une certaine médiocrité.
Grégoire Leménager, L'Obs
Qui l'aura ? David Diop, parce que Frère d'âme a le mérite de rappeler, cent ans exactement après l'armistice, que la Grande Guerre fut aussi une boucherie pour de nombreux Africains.
Qui devrait l'avoir ? Philippe Lançon, parce que Le lambeau est un monument littéraire comme on n'en lit pas si souvent - et que les Goncourt ont montré l'an passé, en récompensant Eric Vuillard, qu'ils pouvaient très bien couronner un récit non fictif quand cela s'impose.
Raphaëlle Leyris, Le Monde
Qui l'aura ? Il me semble (mais dieu sait que la Goncourologie est l'art de se tromper) que Frère d'âme fait un lauréat plus que probable - et honorable - en ce centenaire de l'armistice. Son auteur possède une langue et un imaginaire marquants, ce n'est pas rien.
Qui devrait l'avoir ? S'il était une justice en ce monde : le merveilleux La chance de sa vie d'Agnès Desarthe (L'Olivier), d'une fantaisie, d'une subtilité, d'une drôlerie et d'une profondeur époustouflantes.
Baptiste Liger, Lire
Qui l'aura ? Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu. Evidemment, le roman de ce jeune auteur a le malheur d'être publié chez Actes Sud - maison récompensée l'an passé - et d'avoir des références générationnelles pouvant décontenancer certains jurés. Mais on peut difficilement nier la justesse des portraits, des descriptions des lieux, la maîtrise narrative et la capacité de Nicolas Mathieu à être politique sans jamais insister. Assurément l'un des meilleurs romans de l'année.
Qui devrait l'avoir ? Le lambeau de Philippe Lançon. Attention, boulette Goncourt grand cru, digne des Loups de Guy Mazeline l'emportant face à Voyage au bout de la nuit, ou de Confidence pour confidence de Paule Constant préféré aux Particules élémentaires. Pas forcément un cadeau pour le lauréat 2018 que d'avoir été choisi, face au Lambeau (ou presque)...
Valérie Marin La Meslée, Le Point
Qui l'aura ? Je ne les ai pas tous lus mais je choisis David Diop (homonyme du poète disparu en 1960), pour la puissance d'imagination, la profondeur psychologique et l'universalité du traitement de notre Histoire commune.
Qui devrait l'avoir ? Un superbe trio : Antoine Wauters avec Pense aux pierres sous tes pas (Verdier), la littérature comme utopie. Laurence Cossé avec Nuit sur la neige (Gallimard), l'épure du classique. Pauline Delabroy-Allard avec Ça raconte Sarah (Minuit), révélation au féminin emblématique de cette rentrée.
Ilana Moryoussef, France Inter
Qui l'aura ? Paul Greveillac. Il est jeune, talentueux et encore peu connu. Les Goncourt pourraient s'attribuer le mérite de l'avoir fait découvrir au grand public.
Qui devrait l'avoir ?La robe blanche de Nathalie Léger. Ce roman où sont tressées ensemble l'histoire de l'artiste performeuse italienne Pippa Bacca, qui avait décidé d'aller de Milan à Jérusalem en auto-stop vêtue d'une robe de mariée, et l'histoire de la mère de la narratrice qui demande à sa fille de la venger de l'abandon infligé par son époux est sublime. Et puis, cela aurait été merveilleux de saluer le travail d'éditeur de Paul Otchakovsky-Laurens.
Marianne Payot, L'Express
Qui l'aura ? Thomas B. Reverdy. Parce qu'avec L'hiver du mécontentement, il livre une passionnante parabole du pouvoir sur fond de crise britannique et de drame shakespearien ; parce qu'il sait à nul autre pareil restituer le parfum d'une époque et d'un pays ; parce que cela fait la troisième fois que l'un de ses romans est goncourable... Et qu'il faut bien conjurer les proverbes. A moins que cela soit... Paul Greveillac, poulain du groupe Madrigall lui aussi, dont la plongée dans la Chine de Mao impressionne.
Qui devrait l'avoir ? Nicolas Mathieu peut-être, mais c'est l'année Reverdy, on vous dit !
Florence Pitart, Ouest-France
Qui l'aura ?Frère d'âme de David Diop. Il est favori, ce n'est jamais bon. Mais il propose un beau texte, tournant autour des questions de fraternité, de conscience, de remords. Il rend hommage aux tirailleurs sénégalais, et les jurés auront à cœur de célébrer le centenaire de la fin de la guerre.
Qui devrait l'avoir ?Leurs enfants après eux. Nicolas Mathieu restitue avec finesse l'ennui poisseux des régions en déshérence et l'inconfort moite de l'adolescence. Dans les détails du quotidien, il saisit tout le tragique de la condition humaine.
Jean-Marc Proust, Slate.fr
Qui l'aura ? D'un strict point de vue rationnel, on se dira qu'Actes Sud ne l'aura pas deux fois de suite. Approche littéraire ? Le livre de Diop s'écoute trop, ah ! regardez mon style entre conte et mélopée ! Politique ? Malgré sa collection de vinyles, Reverdy réussit l'exploit de rendre Shakespeare détestable et Thatcher sympathique. Reste Maîtres et esclaves de Paul Greveillac : les jurés prendront-il le risque d'être privés de voyages officiels en Chine ? Sans doute pas.
Qui devrait l'avoir ? Paul Greveillac, qui patientera en écrivant son prochain roman (Cuba ? Pol Pot ?)
Pierre Vavasseur, Le Parisien
Qui l'aura ? Paul Greveillac, parce qu'il est jeune, qu'il fera bien sur la photo et que son texte, éminemment classique, est de haute volée. Mais aussi parce qu'à la suite d'un suspense trampoline comme les Goncourt en ont le secret, avec tour de piste de premiers romans et dégagisme mélenchonien de plumes reconnues, l'audace suprême, au final, sera de couronner Gallimard.
Qui devrait l'avoir ? Sans doute Nicolas Mathieu, en phase absolue avec l'esprit de son temps.