Rappelons-le, si le droit international ne détermine pas de socle minimal en matière d’exceptions et de limitations aux droits exclusifs des auteurs, il fournit un cadre général. Les exceptions doivent répondre au « test des trois étapes » : ce test impose aux Etats de re streindre les limitations des droits exclusifs ou exceptions à ces droits à certains cas spéciaux ( 1 ), de sorte que les exceptions ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ( 2 ) ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit ( 3 ).   Ce test doit permettre d’encadrer la notion d’exception. Une fois définis les principes qui prévalent à la délimitation du périmètre des exceptions, le test conduit à en évaluer les incidences économiques, l’exception n’étant acceptable que si elle ne nuit pas à l’exploitation de l’œuvre et à l’intérêt des ayants droit.   L a directive européenne sur les droits d’auteur dans la société d’information, adoptée le 22 mai 2001, retient une liste limitative d’exceptions facultatives. En France, l a loi du 1er août 2006 a retenu à son tour plusieurs exceptions facultatives, parmi lesquelles « l’e xception pédagogique », qui sera appliquée à compter du 1er janvier 2009. Cette dernière est destinée à permettre aux enseignants d’utiliser et de diffuser, suivant des conditions strictement définies, en contrepartie du versement d’une rémunération négociée sur une base forfaitaire, des extraits d’œuvres sans autorisation des ayants droit.   On connaît les arguments qui président à cette exception : la possibilité de diffusion des savoirs ne doit pas être bridée par le droit d’auteur ; il convient donc non pas de revenir ce droit mais d’en aménager les modalités d’application. Les débats furent vifs et les craintes ne sont pas éteintes.   L’économiste légitime le droit d’auteur par la nécessité d’inciter le créateur à produire. L’argument est spécieux, et, en matière littéraire, il est difficile d’avancer que le droit d’auteur constitue d’une quelconque manière un aiguillon de la création. En revanche, il est aisé de démontrer qu’en l’absence de ce droit, c’est le fonctionnement même de tout le processus de production – du moins tel qu’il a été à l’œuvre jusqu’à présent et l’est encore aujourd’hui- qui se trouve mis en question. En introduisant un monopole pour l’auteur sur l’usage de son œuvre, les droits de propriété intellectuelle répondent à un problème posé par le risque d’appropriation indue des textes par ceux qui ne les ont pas écrits ou par ceux qui n’ont pas pris le risque de les publier, et qui pourraient publier des manuscrits en s’affranchissant du travail de sélection.   Comme le monopole de l’auteur n’est guère satisfaisant, car il réduit la diffusion en assurant cette fonction dite d’incitation, on a introduit deux limitations : la durée, et le champ. L’exception pédagogique peut être interprétée comme une restriction du champ du droit destinée à amplifier la fonction de diffusion, quitte à modérer la fonction d’incitation et/ou de protection de l’équilibre économique de la filière éditoriale. La compensation de l’exception constitue donc une tentative de réconcilier diffusion et incitation en ouvrant la diffusion, tout en couvrant le manque à gagner. En d’autres termes, les exceptions doivent permettre une diffusion optimale des œuvres, l a compensation permettant de réparer le préjudice subi. Mais en créant de fait des coûts transactionnels additionnels, la compensation doit être évaluée non seulement à l’aune des retombées pour les individus ou les entreprises concernées, mais encore à l’aune de leur effet pour la collectivité. La logique de la règle et de ses exceptions résout peut être une question de diffusion ; mais la compensation crée des lourdeurs et des coûts qui interrogent, selon les points de vue, le principe même de la dérogation au droit d’auteur, ou le bien-fondé de la compensation. Les exceptions, sans doute nécessaires, ne sauraient demeurer… qu’exceptionnelles !  
15.10 2013

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