Bernhard Jaumann, ancien professeur d’histoire et d’italien à Augsbourg, est devenu l’un des meilleurs auteurs allemands de romans policiers, distingué par plusieurs prix : L’heure du chacal, son premier livre traduit en France, paru chez Rowohlt Verlag en 2010, a obtenu le Deutscher Krimipreis 2011. Jaumann vit à Windhoek, capitale de la Namibie, et c’est en Namibie que se situe L’heure du chacal, en 2009. Cette année-là, plusieurs Afrikaners sont assassinés, la plupart à l’AK-47, comme Abraham van Zyl, mais d’autres aussi, Leon André Maree, Staal Burger, Acheson, selon des modes opératoires divers. L’un, Barnard, sera même exécuté dans sa prison. Ce qui relie entre eux tous ces hommes, plus Martins Cloetee, alias Donkerkop, le plus jeune, qui s’était laissé entraîner dans cette histoire, c’est qu’ils ont travaillé un temps pour le Civil Cooperation Bureau, les services secrets sud-africains, pour le compte de qui ils ont liquidé, vingt ans auparavant, un certain Lubowski, un avocat blanc libéral membre de la Swapo, le mouvement de libération du pays, qui luttait contre le pouvoir de Pretoria et son apartheid, et pour l’indépendance. L’ironie du sort, c’est que, sa liberté, la Namibie, ex-colonie allemande, puis dominion anglais, puis pays sous tutelle sud-africaine, l’a obtenue en 1990, après la mort de Lubowski…
A l’époque, l’affaire a fait grand bruit, mais le juge Fourie n’est pas parvenu à prouver la culpabilité du commando ni à faire punir les assassins. Il ne s’en est jamais remis. Alors est-ce lui qui, en 2009 et à la retraite, a décidé de jouer les justiciers, ou bien se contente-t-il de commanditer un exécuteur professionnel ? Au cours de son enquête, Clemencia, une jeune inspectrice de police noire, d’origine modeste, aidée de Claus Tiedtke, un journaliste qui travaille pour un quotidien en allemand et qui ne lui est pas indifférent, ira de surprise en découverte macabre, jusqu’à ce qu’elle trouve qui est le tueur, et quelles sont ses motivations.
Partant d’une histoire authentique, mais dont il a modifié bien des paramètres (les membres du commando du CCB sont toujours en vie), Bernhard Jaumann a tissé un roman noir implacable, qui se situe en Afrique, mais dont la problématique est universelle : il y est question de violence politique, de racisme, de réconciliation, de compassion et du sida. Pour l’oxygène : un peu d’amour et une belle solidarité familiale. Magistral.
J.-C. P.