L'heure du décollage numérique

L'heure du décollage numérique

En un an, les éditeurs québécois ont rattrapé leur retard numérique sur leurs confrères français. Grâce en particulier aux achats des bibliothèques, les ventes digitales ont pris leur envol en 2012.

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Par Fabrice Piault
avec Créé le 30.10.2014 à 11h36 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Trois sites Web, Renaud-Bray, Archambault et Ruedeslibraires.com, captent les trois quarts des ventes de livres numériques au Québec.- Photo OLIVIER DION

Président du distributeur Dimedia et par ailleurs directeur général des éditions du Boréal, Pascal Assathiany en est lui-même surpris : "En un an, notre activité numérique démarrée en septembre 2010 a été multipliée par 6 pour atteindre 3 % des ventes", confie-t-il. 90 % des nouveautés mises sur le marché par Dimedia sortent simultanément en version numérique, et le catalogue numérique du distributeur propose 2 570 PDF et 2 052 ePub venus d'éditeurs québécois, de Volumen, d'Harmonia Mundi et de Payot. Chez Québec/Amérique, qui peut se prévaloir d'une activité numérique de longue date et développe avec succès des applications de référence - dont un Dictionnaire visuel du corps humain bien placé sur iPad et iPhone -, le livre numérique pèse près de 5 % du CA total, et l'ensemble des produits et services numériques 20 %. "En 2012, pour la première fois, le numérique est rentable, remarque >Caroline Fortin, directrice générale, et c'est heureux car le marché du livre papier est de plus en plus difficile."

D'AUTRES TYPES DE LECTEURS

"Le numérique permet de toucher d'autres types de lecteurs, qui achètent nos produits alors qu'ils ne sont ni acheteurs de livres ni clients des librairies", renchérit le P-DG d'Ulysse, Daniel Desjardins. Sur les douze derniers mois, l'éditeur de guides de voyage a réalisé avec le livre numérique, en vendant aussi bien ses titres complets que des chapitres, 4,5 % de son chiffre d'affaires, soit deux fois plus qu'au cours des douze mois précédents.

D'après Clément Laberge, vice-président de De Marque, qui a bâti dès février 2009 avec et pour les éditeurs québécois l'entrepôt numérique Anel-De Marque, et qui est par ailleurs en France le prestataire de la plateforme Eden Livres, "l'essentiel des nouveautés de l'édition québécoise paraît aujourd'hui en numérique en même temps que sur papier. La moitié des titres sont accessibles en ePub, et les livres illustrés sont généralement disponibles en PDF", précise-t-il, s'étonnant que ce format soit mis de côté en France alors qu'"il existe un vrai marché en PDF". Pour lui, avec l'arrivée de nouveaux éditeurs et de nouveaux titres, et le développement naturel du marché, "les ventes quadruplent chaque année". Alors que "tous les leviers du décollage du marché ne sont pas encore réunis puisque Amazon numérique n'est pas attendu au Québec avant décembre, qu'Apple n'a pas véritablement de boutique québécoise et que Kobo n'a pas noué un accord avec une grande chaîne, on mesure déjà l'impact d'émissions de télévision sur les ventes, assure-t-il. Et cela va s'accélérer en 2013".

La production française, elle, ne participe que très modestement au décollage. "Nous proposons plus de 4 000 titres numériques, diffusés partout, mais les ventes sont encore dérisoires", observe la directrice générale de Gallimard Canada, Florence Noyer. Chez ADP (groupe Québecor), partenaire de la e-plateforme d'Editis-Interforum, les ventes numériques n'atteignent pas non plus les 2 %. Le décalage serait dû, dans une large mesure, au refus des Français d'autoriser le prêt numérique de leurs fichiers. Car les achats des bibliothèques, qui, en vertu de la "loi 51" appliquée au livre imprimé comme au digital, s'effectuent obligatoirement par l'intermédiaire des libraires, jouent un rôle essentiel dans le décollage du marché du livre numérique au Québec. "Les éditeurs français n'acceptant pas encore le prêt de leurs fichiers, c'est même une manne pour les éditeurs québécois", remarque Gilda Routy, directrice de la division du livre de Bayard Canada.

Les conditions du prêt numérique ne sont pourtant pas encore établies. Pour l'instant, un accord provisoire, signé pour un an en décembre 2011, permet aux bibliothèques de pratiquer, avec un système chronodégradable, jusqu'à 100 prêts non simultanés par exemplaire numérique. Mais les éditeurs sont nombreux à juger ses dispositions exorbitantes. Chez Québecor, "personne n'a signé cet accord provisoire", indique même Johanne Guay. Vice-présidente édition du groupe Librex, elle participe, en tant qu'administratrice de l'Association nationale des éditeurs de livres (Anel), à la négociation en cours d'un nouveau dispositif. Celui-ci pourrait, entre autres choses, plafonner le nombre de prêts à 50.

VENTE EN LIGNE

Les Librairies indépendantes du Québec (Liq) ont été parmi les premières à s'organiser, via leur site de vente en ligne Ruedeslibraires.com, pour les ventes numériques aux bibliothèques. Elles développent aussi leurs ventes de livres numériques au public, mais sont concurrencées par les sites des chaînes Archambault (groupe Québecor) et Renaud-Bray. "Nous avons développé notre offre depuis un an", explique Blaise Renaud, le P-DG de Renaud-Bray, dont le catalogue numérique de 35 000 titres ne produit pas pour l'instant plus de 1 % du chiffre d'affaires total, quand la vente en ligne de livres imprimés atteint, elle, 7 %. Si ces trois opérateurs concentraient les trois quarts des ventes numériques, Apple et Kobo capteraient déjà le reste. En attendant Amazon et son Kindle.

30.10 2014

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