11 février > Histoire France

Uchronie, histoire virtuelle, hypothèse contrefactuelle. Peu importe le terme, poétique ou universitaire, la fascination reste la même. Il s’agit de voir en quoi l’imagination peut servir la recherche et la transmission de la connaissance dans le domaine historique. En faisant de l’histoire avec des si, on s’oblige à comprendre un sujet sous toutes ses coutures, à tester ses conjectures et à stimuler son esprit.

Si Jésus n’était pas mort sur la croix, si Jeanne d’Arc n’avait pas été brûlée, si Napoléon avait gagné à Waterloo, si Hitler était devenu artiste peintre ? Toutes ces hypothèses en impliquent une multitude d’autres. A partir de cet énoncé, il faut dérouler le fil du temps dans une direction différente et envisager toutes les conséquences. C’est ce que font avec un plaisir partagé Quentin Deluermoz (université Paris-13 Nord) et Pierre Singaravélou (université Paris-1 Panthéon-Sorbonne).

Dans un premier temps, ils enquêtent sur cette autre forme d’histoire. De Thucydide au Ve siècle avant J.-C. - "si les habitants du Péloponnèse avaient été audacieux…" - au Et si on refaisait l’histoire ? (Odile Jacob, 2009, "Poches", 2011) d’Anthony Rowley et Fabrice d’Almeida en passant par Pascal - "si le nez de Cléopâtre eût été plus court…" -, ils racontent les périples de l’histoire non advenue, cette uchronie inventée au XIXe siècle par un polytechnicien républicain, Charles Renouvier.

Il ne s’agit pas, en l’occurrence, que d’un jeu intellectuel, car l’examen du champ des possibles dans le passé n’est pas illimité et les historiens doivent assumer toutes les implications d’un raisonnement. Comme il existe des expériences de pensée dans les sciences physiques, il peut y avoir des approches semblables dans les sciences humaines. Il faut seulement savoir où l’on place les limites d’un tel exercice. C’est l’objet de la dernière partie. Les auteurs mettent en pratique une série d’expérimentations sur la notion d’empire, puis sur 1848, enfin par une approche participative avec un public de connaisseurs.

Que retenir de Pour une histoire des possibles qui examine les futurs envisageables du passé ? Tout d’abord que ce qui ne s’est pas passé ne doit jamais prendre le pas sur ce qui s’est passé. Le rôle de l’historien ne consiste pas à se demander si les choses auraient pu être autrement que ce qu’elles furent. L’historien n’est pas romancier, mais il a tout à gagner à la fréquentation des écrivains. L’histoire avec des si ne doit pas contredire l’histoire avec des faits. Laurent Lemire

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