Maria a 16 ans, elle est partie vivre chez son petit ami Johannes, ou plutôt dans la famille du lycéen bientôt bachelier. Les Brendel sont des agriculteurs qui ont survécu aux vicissitudes de l'histoire allemande et ont pu préserver tant bien que mal un bout de leurs terres malgré la politique de collectivisation de la RDA. Avec la ferme Henner, la ferme Brendel est la plus grosse de la localité. Le temps s'est arrêté dans ce coin de Saxe. Plusieurs générations vivent sous un même toit. Les anciens : la grand-mère Frieda, Alfred, le fils de la servante de l'époque des parents de Frieda, "devenu un appendice de la famille" ; le père et la mère de Johannes, Siegfried et Marianne ; son jeune frère Lukas.
Maria ne va plus à l'école, traîne beaucoup, aide très peu les autres femmes. Elle préfère lire Les frères Karamazov de Dostoïevski et faire l'amour avec Johannes. Dans ce milieu de paysans austères, elle observe surtout les rapports entre les uns et les autres - une atmosphère faite d'injonctions paternelles, de conversations laconiques et de non-dits. L'aîné de Frieda, Volker, alcoolique et disparu depuis longtemps, est, paraît-il, le fils d'Alfred, le second fils Hartmut qui s'est enfui à l'Ouest et n'a pas donné signe de vie depuis vingt ans.
Le régime de Honecker est sur le point de s'effondrer, et les deux Allemagnes de se réunifier. Johannes y voit l'occasion de troquer son destin d'exploitant agricole contre une ambition de photographe ; il s'inscrira l'année prochaine aux Beaux-Arts de Leipzig, entre-temps il étrenne son nouvel appareil photo et donne un coup de main à la ferme. Maria, quant à elle, est perdue. Elle ne veut pas retourner chez sa mère, une femme quittée par son mari et sans le sou. Rester chez les Brenner ? Intenable, depuis qu'elle a fait la connaissance de Henner qui habite la ferme d'à côté. Le quadra divorcé, buveur invétéré, a la réputation d'un débauché, il est bel homme et la jeune fille tombe très vite dans les rets du désir animal. L'attraction vire à l'obsession. Henner et Maria deviennent amants : ces deux-là se livrent corps et âme. Henner confie cette blessure héritée de sa propre mère qui fut violée par des soldats russes à la fin de la guerre.
Née en 1975 dans un village de Saxe, Daniela Krien, nouvelliste, poète et documentariste, signe ici son premier roman, un récit d'initiation où l'éveil à l'âge adulte passe par le désenchantement de soi-même (Maria se rend compte qu'elle doit mentir pour ne pas blesser) et la mélancolie des corps repus après l'amour. Par la voix de sa jeune narratrice, l'auteure allemande rend avec une formidable justesse de ton le passé complexe de cette partie orientale de l'Allemagne doublement meurtrie par la guerre et la férule communiste.