11 JANVIER - RÉCIT France

Ambassadeur de France à Malte depuis 2008 et jusqu'à ces jours derniers, Son Excellence Daniel Rondeau ne pouvait se trouver mieux, lui qui se définit comme "un catholique errant », que sur cette île fondamentalement catholique, pratiquante et démonstrative de sa piété, comme la Sicile dont elle est quelque part si proche. Cela lui inspire quelques belles pages sur la Semaine sainte à Zebbug, la ville où nos ambassadeurs ont leur résidence, dans l'ancien palais Manduca. Là aussi, l'écrivain se laisse aller à la méditation et à un doux abandon, face à une nature si particulière : Malte est avant tout sécheresse.

En homme libre, Daniel Rondeau a toujours chéri la mer, surtout celle-là, la Mare nostrum des Romains, qu'il a déjà pas mal explorée et décrite dans quelques-uns de ses livres précédents : Tanger, Alexandrie, Beyrouth, Carthage... C'est là, n'en déplaise à certains, que se joue toujours le sort du monde : notre ambassadeur, à la fin de son récit et avec toute la réserve diplomatique d'usage, raconte le rôle non négligeable que Malte, à la croisée des voies entre l'Orient et l'Occident, vient de jouer comme base arrière dans la récente "révolution libyenne".

Passionné par l'histoire des civilisations et les carrefours où elles se rencontrent, Daniel Rondeau nous offre une leçon de géographie puis d'histoire quasi malrucienne - par son érudition et ses télescopages. Qui commence en 1530, quand les chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, chassés de Rhodes par les Ottomans du grand Soliman, accostent à Malte et s'y taillent une mini-principauté très chrétienne, créant avec La Valette leur capitale idéale et sur mesure, destinée à exalter leur foi. En dépit du Grand Siège de 1565, où l'obstiné Soliman, résolu à détruire "ce nid de scorpions », subit un cuisant échec, La Malthe, comme on disait alors, demeura indépendante et intimement liée à la France jusqu'en 1800.

Après le passage fulgurant de Bonaparte (une semaine à peine en juin 1798) en route vers l'Egypte, qui légifère et réorganise, le désastre d'Aboukir réaffirme la suprématie anglaise en Méditerranée. Malte, conquise, restera anglaise jusqu'à son indépendance, en 1964.

Cette histoire riche et tourmentée explique que l'île soit un creuset unique, un melting-pot racial et linguistique, où se mêlent l'arabe - le maltais, contrairement à ce qu'on a cru longtemps, est une langue sémitique dérivée de l'arabe -, l'italien, le français, l'anglais, un monde mystérieux avec sa culture propre, qui remonte à plusieurs millénaires avant notre ère. "Une terre d'antique civilisation », comme disait Malraux à propos d'autres contrées.

Malraux n'est pas convoqué par Rondeau dans ses souvenirs, mais quelques-uns des grands écrivains qu'il a côtoyés dans ses vies antérieures de journaliste et d'éditeur, et avec qui il se lia d'amitié : Burgess, Kundera, Moravia, Umberto Eco...

Au moment de quitter Malte, l'écrivain rend hommage aux boat people disparus en mer pour avoir voulu fuir l'oppression et la misère, et souhaiterait arrêter le temps : un verre de vin de Champagne à la main, un havane en bouche, une mélodie jouée à la guitare par M, - Mathieu Chédid -, petit-fils d'Andrée, une Egypto-Libanaise. On n'échappe pas à sa mer.

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