Limoges : le livre avec la porcelaine

La Bibliothèque francophone multimédia. - Photo annie favier

Limoges : le livre avec la porcelaine

La Bibliothèque francophone multimédia et le salon Lire à Limoges sont les deux pôles très visibles d’une politique active de la ville en faveur du livre.

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Par Annie Favier
avec Créé le 20.03.2014 à 19h11 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Limoges ? On pense spontanément à la porcelaine. On peut aussi penser à la gare et à son beffroi classés, et, si l’on est sportif, à son célèbre club de basket du CSP. Mais Limoges la discrète, ville universitaire, est beaucoup moins connue pour son activité culturelle.

Pourtant, les 140 000 habitants (210 000 pour l’agglomération) disposent d’un arsenal culturel que beaucoup de villes pourraient lui envier. Un opéra-théâtre, de riches musées, un Zénith, une Bibliothèque francophone multimédia (BFM) tout à fait remarquable constituent la majeure partie des équipements fixes. A cela s’ajoutent des manifestations ponctuelles : Lire à Limoges, un marché des artistes, les Francophonies en Limousin, des festivals musicaux, etc. La ville consacre en tout 12 % de son budget à la culture. Dans ce poste, deux enveloppes importantes sont réserveés au livre. La première est consacrée à la lecture publique, avec la BFM et ses cinq bibliothèques de quartier, inaugurée en 1998, dont le budget de fonctionnement annuel s’élève à plus de 7 millions d’euros. L’autre grand investissement est celui de la manifestation Lire à Limoges, pour laquelle la municipalité engage 400 000 euros, auxquels s’ajoutent 3 000 euros du CNL et 3 049 euros de la Région.

Le choix de la gratuité totale.

La valorisation du livre est une vraie volonté politique de cette ville PS, place forte de la gauche depuis des décennies, dont le maire actuel, Alain Rodet, élu depuis 1990, se représente cette année. C’est lui qui, en 1998, a initié la BFM, œuvre de l’architecte Pierre Riboulet. Avec ses 15 000 m2 de surface et les 140 agents qui y travaillent, elle conserve plus de 600 000 ouvrages, dont 330 000 en accès libre, et engage un budget d’acquisition annuel de 680 000 euros, dont 365 000 pour le livre. Ce pôle associé de la BNF, très centré sur le multimédia et la francophonie, conserve des fonds spécifiques (René Depestre, Emmanuel Roblès, Sony Labou Tansi) et a fait le choix, très politique, de pratiquer la gratuité totale pour ses 45 000 inscrits, un chiffre en légère baisse, tandis que la fréquentation (430 000 passages par an) est en hausse. Parmi les cinq bibliothèques de quartier de ce réseau, la bibliothèque de l’Aurence doit être totalement reconstruite, pour une réouverture en 2015. L’investissement est de 3 millions d’euros : "Ce sera le gros investissement livre de la prochaine mandature", souligne Gülsen Yildirim, conseillère déléguée chargée de la lecture publique.

Depuis près d’une trentaine d’années, Limoges organise par ailleurs son salon du livre, parmi les plus importants en France. Lire à Limoges aura lieu cette année du 4 au 6 avril. Prise en charge par la mairie, la manifestation a attiré 70 000 visiteurs l’an dernier et les libraires ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires de plus de 195 000 euros sous le chapiteau. Réservée aux librairies indépendantes du centre-ville, la manifestation a bien failli accueillir l’Espace culturel Leclerc l’an dernier. Mais une levée de boucliers des libraires a fait capoter le projet : Leclerc comptait en effet consentir 5 % sur les livres sous le chapiteau, comme il le fait en magasin, mais pour les libraires, c’était impensable. "Je trouve dommage que l’on ne puisse pas diversifier, souligne Marie-Paule Barruche, adjointe au maire responsable de Lire à Limoges. Cette année, nous avons reçu une demande un peu trop tardive de Cultura, mais je n’exclus rien pour l’avenir."

Des situations contrastées.

Les libraires indépendants du centre-ville étaient jusqu’ici réunis dans l’association Encre vive, créée pour être partenaire de Lire à Limoges. Elle a été dissoute en décembre, principalement en raison de la fermeture de la Maison de la presse, tenue par Bernard Pradié, président de l’association. Filiale du groupe de presse Centre France, qui abandonne ses activités insuffisamment rentables, cette librairie de premier niveau, qui existait depuis vingt-cinq ans, doit être liquidée en avril.

Le climat de la librairie limougeaude, aux implantations très classiques, est en effet contrasté. La librairie Plein ciel, reprise en 2005 par Eric Larraud, montre quelques signes de faiblesse avec un chiffre d’affaires en baisse de 10 % en 2013. Parmi les librairies spécialisées, Rev’en page, dédiée à la jeunesse, reprise il y a trois ans par Cyril Malagnat, affiche en revanche une progression encourageante, qui pourrait mener vers un agrandissement. Maud Dubarry, qui a repris la librairie généraliste indépendante Page et plume en 2006, se félicite également d’un résultat en hausse pour 2013-2014 de 5,84 %, après une baisse de 2,59 % pour l’exercice 2012-2013. "Mais depuis novembre 2013, Anecdotes n’avait plus de stock", temporise la libraire. Avec la relance d’Anecdotes, ex-Chapitre, dont la sauvegarde a mobilisé la mairie, finalement rachetée par Albin Michel (voir ci-contre), la concurrence entre les deux confrères, par ailleurs très cordiale, risque d’être ravivée.

A côté de librairies implantées depuis des lustres, trois enseignes de produits culturels sont venues assez récemment bousculer la donne : en octobre 2005, la Fnac (235 m2 pour le livre, plus de 30 000 références) est arrivée en centre-ville ; puis, en périphérie, un Espace culturel Leclerc (500 m2 pour le livre, 60 000 références) a ouvert en décembre 2007, suivi d’un magasin Cultura (45 000 références) en septembre 2010. Tous affichent des résultats satisfaisants : Cultura annonce une progression de 7 % sur le livre entre janvier 2012 et février 2013, pendant que l’Espace culturel Leclerc enregistre "une petite progression", selon son responsable, Benoît Lavoute. Pour lui, ce site a élargi le marché : "On va chercher des clients qui ne viennent pas forcément dans d’autres librairies." Un avis pas loin d’être partagé par Cyril Malagnat : "Plus on sera nombreux à défendre le livre, mieux on s’en sortira, même si nous, libraires indépendants, n’approuvons pas toujours les méthodes des grandes surfaces culturelles."

Entre le rebond d’Anecdotes, la fermeture d’une Maison de la presse, le nouvel équilibre à trouver entre les libraires au sein de Lire à Limoges et la reconstruction de la bibliothèque de l’Aurence, le livre ne cesse de frémir à Limoges. Annie Favier

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