16 octobre > Histoire France

Sur des sujets légers, il faut des livres savants ! Enfin pas trop… Sabine Melchior-Bonnet a trouvé le juste équilibre entre l’érudition et le bonheur d’écriture. D’ailleurs, il ne s’agit pas de l’histoire, mais d’une histoire de la frivolité. Une manière, pour cette spécialiste de l’Ancien Régime, de revendiquer sa subjectivité aussi. Comment pourrait-il en être autrement ? D’une plume alerte, elle nous entraîne dans les méandres d’une notion difficile à cerner et nous montre, à l’aide d’illustrations choisies, ce qui se cache derrière ce « rideau léger tendu sur nos sentiments et nos passions ».

Curieusement, Armand Colin publie au même office une évocation de la Paresse par André Rauch (220 p., 25 euros). Les notions sont cousines, mais différentes. La paresse peut s’apparenter à une philosophie - voyez Oblomov -, voire à une politique - comme pour Paul Lafargue -, alors que la frivolité n’est qu’un abandon, un péché certes, mais « mignon ». On peut penser à sa paresse, on ne réfléchit pas à sa frivolité. On se laisse porter par elle. Il n’y a que Delphine de Girardin pour justifier sa ferveur pour le « presque rien ». « Un caractère léger c’est celui qui n’attache d’importance à rien ; nous au contraire, nous attachons de l’importance à rien. » Dans ce voyage qui nous conduit de l’Ancien Régime à la « nouvelle consommation », Sabine Melchior-Bonnet explique bien ce besoin de vouloir rendre la frivolité sérieuse, de l’envisager comme une consolation philosophique dans le dédale de nos peines. Il y aurait comme une indispensable légèreté de l’être, d’autant plus indispensable d’ailleurs que le monde est lourd de menaces. Cela expliquerait pourquoi les Parisiens se pressaient dans les bals publics en 1832, dans une ville ravagée par le choléra…

Puisque le ciel peut attendre, Sabine Melchior-Bonnet nous engage à observer cette frivolité considérée par les hommes comme exclusivement féminine, avant qu’ils soient rattrapés à leur tour par la surface des choses. La mode du dandysme fera le reste. Les classes populaires finiront elles aussi par succomber à l’ère du vide. La frivolité ne sera plus le privilège de l’aristocratie qui s’ennuie à la cour ou de la bourgeoisie qui se barbe dans ses appartements.

La primauté de l’accessoire sur l’essentiel, de la raillerie sur le rire, a trouvé son expansion dans ce que Baudrillard nommait « la société des objets ». La frivolité pourrait bien être finalement une disposition moderne puisque nous sommes constamment sollicités par les technologies futiles. Tout concourt à faire diversion, à faire de nos existences des vies de papillons. La digression est monnaie courante et sans distinction de sexe. Voilà donc un livre qui dit drôlement des choses sérieuses. A méditer et à ne pas lire superficiellement…

Laurent Lemire

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