Manifestation

Livre Paris: nouvelles stars

Marissa Meyer (Le gang des prodiges) a dédicacé à tour de bras chez PKJ (Editis) et fait le plein côté scène Young adult. - Photo Olivier Dion

Livre Paris: nouvelles stars

Du 16 au 19 mars, Livre Paris a accueilli sous un ciel neigeux les plus gros vendeurs de romans dont les idoles du young adult et de la romance. Les communautés de lecteurs, notamment les 15-25 ans, ont conquis les allées du salon.

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Par Isabel Contreras, Claude Combet, Hervé Hugueny, Michel Puche, Anne-Laure Walter
avec la rédaction de Livres Hebdo Créé le 23.03.2018 à 09h13

Les premières impressions des exposants ont été confirmées lundi soir: la 38e édition de Livre Paris affiche une hausse de fréquentation de 7% par rapport à 2017. Plus de 30 000 personnes ont participé aux conférences et débats, d’après les organisateurs Reed Expositions et le Syndicat national de l’édition, qui n’ont toutefois pas révélé les chiffres bruts de participation. La programmation a été jugée dynamique par l’ensemble des acteurs et les ventes s’inscrivent en hausse sur la plupart des stands. "La bonne nouvelle, c’est le nombre croissant de jeunes, entre 15 et 25 ans, qui se sont rendus ce week-end porte de Versailles. Les éditeurs ont invité des pointures young adult et la scène dédiée à ce segment n’a pas désempli", se félicite Sébastien Fresneau, commissaire général de Livre Paris.

Raphaëlle Giordano (Ta deuxième vie commence…, Pocket) sur le stand Editis.- Photo OLIVIER DION

Les plus gros vendeurs de livres et habitués du salon comme Amélie Nothomb, Marc Levy et Tatiana de Rosnay, ou les nouvelles papesses du roman populaire comme Aurélie Valognes ou Clarisse Sabard ont signé leurs livres à côté d’autres auteurs souvent inconnus dans le monde du livre mais idolâtrés dans des communautés spécifiques. Ces derniers ont mobilisé les foules, donnant au salon des allures de conventions à la Japan Expo Paris ou Trolls & Légendes, à Mons. Outre Anna Todd, l’auteure de romance Jay Crownover, attendue par une file de jeunes femmes longue de plusieurs dizaines de mètres, a dédicacé pendant plusieurs heures son nouveau roman Wild men. De même, Diana Gabaldon (Outlander) ou Marissa Meyer, encensée par les adolescents pour ses Chroniques lunaires et qui a présenté son dernier titre, Le gang des prodiges, paru en février chez PKJ. L’éditeur a mis en place pour la première fois un système de distribution de tickets pour fluidifier l’accès aux trois séances de dédicace. Résultat: 660 inscrits.

Emmanuel Macron et son épouse Brigitte avec Françoise Nyssen. Derrière, quelques-uns des 200 gardes du corps qui protégeaient le convoi présidentiel le soir de l’inauguration.- Photo OLIVIER DION

Chez Lumen, Sarah Dessen (Once and for all) et Victoria Schwab (Shades of magic) ont vendu respectivement 495 et 207 exemplaires. L’éditeur a remercié les fans en offrant des petits bocaux de dragées, des pendentifs, des posters géants et des pins. Pygmalion, qui publie en France Robin Hobb, est allé encore plus loin en proposant le sixième et dernier volume de sa saga Le fou et l’assassin quelques jours avant sa sortie officielle en librairie, le 20 mars. Au moins 180 exemplaires de la nouveauté ont été vendus. Plus de 200 personnes ont participé à la séance de dédicace de la booktubeuse Nine Gorman qui signait Le pacte d’Emma (Albin Michel Jeunesse).

Le pic d’affluence a été enregistré samedi avec des allées paralysées par d’importantes séances de signature programmées simultanément. "Il y a des ajustements à trouver avec certains éditeurs", admet Sébastien Fresneau. Hugo & Cie, venu pour la première fois au salon avec l’ensemble de ses marques, doit réfléchir dans ce sens à répartir les prestations de ses auteurs entre samedi et dimanche. D’autres éditeurs pourraient suivre. "Le dialogue est constant", souligne Sébastien Fresneau. Et de citer Gallimard, qui a obtenu cette année des allées plus larges d’un mètre autour de son îlot central. I. C.

Une festivalisation remarquée

Poursuivi devant les prudhommes pour "flagrant délit de paresse, abus de sieste, détournement de contrat", Gaston Lagaffe a heureusement été relaxé par le public.- Photo OLIVIER DION

Gauthier Morax, le nouveau programmateur de Livre Paris, se disait lundi soir "très satisfait" pour des raisons qualitatives ("Il n’y a pas eu que de la promo…", "excellente tenue générale des débats") et quantitatives (le remplissage des jauges). Il soulignait aussi la bonne tenue des deux nouvelles scènes, Polar et Young adult, destinées à séduire le jeune public. De son côté, Livres Hebdo a particulièrement observé trois nouveaux formats.

• Les procès littéraires

Une belle mise en scène et de vrais avocats pour deux procès littéraires, l’un visant Gaston Lagaffe, l’autre Anna Karénine. Catherine Cusset, en témoin de moralité de la défense - elle jouait la femme de chambre d’Anna -, a fait un tabac, face à Jean Lebrun, président de la Cour. Le procureur, féroce à souhait, a requis la résurrection de Karénine dans la Russie d’aujourd’hui… A l’heure de la fermeture, dimanche, le public de la Grande Scène votait pourtant l’acquittement d’Anna. Sans doute la proposition la plus originale et la plus qualitative cette année. Un air de "Tribunal des flagrants délires", émission culte de France Inter. Beaucoup d’humour finement marié à de la culture littéraire.

• La scène de crime

Deux vrais flics installent une scène de crime et dispersent des indices. Ces pros de la police scientifique commencent par expliquer leur job et les trucs du métier. Comment faire parler les empreintes, les traces d’oreille ou les odeurs. Le public, de tous les âges, se pique ensuite de résoudre un cas pratique. Ludique et instructif.

• Le Tournoi des mots

Deux classes de seconde du lycée Pierre-Mendès-France à Savigny-le-Temple (77), encadrées par leur professeur de français, se sont affrontées lundi dans un Tournoi des mots. Pendant que les uns donnaient une suite à une phrase de Simenon, les autres répondaient à un questionnaire Maigret, tout en gagnant des cadeaux distribués par Le Livre de poche. L’exercice avait été préparé en amont par le Labo des histoires. Ambiance adolescents déchaînés et succès garanti. M. P.

Des juke-box et un banquet

Quand la profession se dévoile auprès du grand public, c’est payant. Initiée l’an passé et reconduite cette année par le nouveau programmateur, Gauthier Morax, la scène professionnelle s’était muée en un programme "Les coulisses de l’édition" qui a affiché complet chaque jour.

Parmi les temps forts, des innovations dans la forme puisque l’habituelle monographie d’éditeur est devenue un juke-box littéraire. Sur un écran étaient projetées, par exemple, les couvertures de dix titres emblématiques de Zulma. Le public en choisissait une et Laure Leroy, la directrice de la maison, racontait comment ce livre avait rejoint son catalogue.

Autre expérience réussie de dévoilement de l’envers du décor, la région Paca avait, pour son retour au salon, introduit un espace de rencontres qui a fait le plein avec des master class consacrées aux échanges de droits à l’international ou à l’animation d’une rencontre littéraire en public.

Quant aux visiteurs professionnels, le lundi matin leur était consacré avec des débats dans l’atrium de 200 places du CNL ou le traditionnel déjeuner Interforum réunissant de nombreux libraires. Dès le dimanche soir, Livre Paris leur offrait aussi une parenthèse festive avec un Banquet du livre, sur invitation, dans une allée du salon une heure après sa fermeture. Une initiative qui, pour sa première année, débute très timidement: beaucoup de nourriture, une piste de danse, mais très peu d’éditeurs et de libraires. A.-L. W.

Russie: un froid saisissant

 

Le boycott présidentiel du pavillon russe lors de l’inauguration de Livre Paris a jeté un froid qui n’a pas empêché le public de fréquenter le stand.

 

En dépit de la tension diplomatique, le stand russe a attiré la foule.- Photo OLIVIER DION

Ça a débuté par un malaise: le pavillon officiel qui accueillait cette année la Russie comme invitée d’honneur a été boycotté lors de l’inauguration de Livre Paris par le président de la République. Emmanuel Macron avait choisi ce moyen pour manifester sa solidarité avec le gouvernement britannique qui venait de dénoncer l’empoisonnement d’un ex-espion russe en Angleterre. Le boycott présidentiel a créé un malaise parmi les professionnels français et a été très mal ressenti par de nombreux auteurs russes invités qui se sont dits "peinés", "chagrinés" ou encore "amers". "Le boycott m’a fait l’effet d’une douche froide", déclarait le lendemain Natalia Turine, cofondatrice de Louison éditions, spécialisée en France dans la littérature russe contemporaine, et propriétaire de la librairie du Globe qui gérait la librairie du pavillon russe.

Ne commentant pas l’incident, François Deweer, directeur du Globe, estime qu’il aura finalement eu le mérite d’"attirer l’attention sur notre présence, alors qu’une partie du grand public ignorait que la Russie était l’invitée d’honneur. Il a même peut-être conduit des gens à venir sur notre stand pour nous montrer leur soutien." En témoignent les chiffres de vente: "140 000 euros HT, annonce le libraire, ce qui nous permet de dépasser notre point mort et de rentabiliser notre présence à Livre Paris."

Avec "11 000 ouvrages vendus, dont près d’un tiers en VO, et un panier moyen d’achat supérieur à 30 euros", il salue l’intérêt manifesté par le public pour la littérature russe. "Les écrivains invités, qui étaient près de quarante, ont pris le dessus. A commencer par Ludmila Oulitskaïa, prix Médicis étranger en 1996 avec Sonietchka, venue présenter sa nouveauté, L’échelle de Jacob, en rupture de stock dès dimanche midi."

Parmi les très bonnes ventes, il cite aussi: Des chaussures pleines de vodka chaude de Zakhar Prilepine, Les femmes de Lazare de Marina Stepnova, Les dieux de la steppe d’Andreï Guelassimov ou encore Zouleikha ouvre les yeux de Gouzel Iakhina. "Après la littérature actuelle, les classiques comme Anna Karénine de Léon Tolstoï ou Le maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov se sont aussi bien vendus", assure François Deweer, constatant toutefois que "la meilleure vente a été L’appartement, un siècle d’histoire russe d’Alexandra Litvina et Ania Desnitskaïa, une BD éditée par la librairie du Globe, écoulée sur le salon à plus de 400 exemplaires".

Avec 120 rencontres sous forme de débats, discussions, entretiens individuels, mais aussi films, jeux concours sur la BD L’appartement ou parties d’échecs avec le célèbre joueur russe Anatoli Karpov, venu disputer et gagner, avec un score de 12 à 0, plusieurs parties en simultané, notamment avec des éditeurs et écrivains dont Bernard Werber, la programmation du pavillon russe a aussi rencontré un joli succès. C. N.

Auteurs: paiement en cours

Conformément à l’engagement pris de "rémunérer tous les auteurs, quel que soit le format de leurs interventions", sauf les dédicaces, Livre Paris a adressé un mail à tous les intéressés, leur proposant de passer au Commissariat général pendant le salon afin d’y déposer les documents nécessaires à leur règlement, voire de se faire payer de suite, indiquent les organisateurs. Ceux qui ne le pouvaient pas étaient invités à retourner un formulaire avec les informations nécessaires, pour un règlement ultérieur. Personne n’a pu être joint chez Livre Paris pour préciser le nombre d’auteurs concernés.

Deux semaines avant l’ouverture de Livre Paris, une polémique sur le paiement des interventions des auteurs sur les différentes scènes gérées par le salon avait éclaté en raison d’une ambiguïté concernant ceux qui pouvaient être considérés comme faisant la promotion de leurs ouvrages, et qui en auraient été exclus. Pour y mettre fin, Reed et le SNE ont clarifié la situation dans un communiqué, le 7 mars. H. H.

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