Salué comme l'un des plus grands auteurs italiens, Antonio Tabucchi laisse une oeuvre considérable. Ecrivain du flottement, des vies qui basculent, du questionnement sur la réalité, il a aussi pourfendu l'Italie berlusconienne dans ses écrits. Il est mort le 25 mars à l'âge de 68 ans, à Lisbonne, dans un pays qu'il avait adopté depuis sa découverte de l'oeuvre Fernando Pessoa, dont il était devenu un spécialiste. Plus d'une vingtaine de livres ont été publiés en France, essentiellement par Christian Bourgois qui l'a fait découvrir en 1988 avec Le fil de l'horizon. Quelques titres ont paru au Seuil, dont Au pas de l'oie (2006), une analyse des dérives antidémocratiques de l'Europe contre lesquelles il se révoltait. Depuis 2004, ses ouvrages paraissent chez Gallimard qui a aussi entrepris de réunir toute son oeuvre en Folio, dans des traductions souvent révisées, parfois refaites.
Composée de livres majeurs comme Nocturne indien, Requiem (écrit en portugais), Pereira prétend, Tristano meurt ou encore Le temps vieillit vite (dernier livre paru en 2009), l'oeuvre d'Antonio Tabucchi va continuer de se déployer. Deux titres publiés en Italie chez Feltrinelli sont encore inédits en France : Voyages et autres voyages paraîtra en 2013 chez Gallimard, traduit par Bernard Comment qui travaille aussi sur Racconti con figure, une fiction inspirée de tableaux de peintres que Tabucchi a connus. D'autres projets ne manqueront pas d'émerger. "Peu avant sa mort, il a réuni un certain nombre de textes critiques et d'interventions sur des écrivains. Le volume paraîtra chez Feltrinelli en Italie, explique Bernard Comment, son ami qui est peu à peu devenu son traducteur. Il avait aussi envie que paraissent, dans un volume, des entretiens écrits que nous avions faits au fil du temps.De plus, il y aura sans doute des inédits, car il écrivait un peu dans tous les sens, sur des carnets. C'est sa famille qui fera le point, avec son agent."
Bernard Comment poursuit également le travail de retraduction de certains livres qu'il avait entamé avec Antonio Tabucchi depuis Petites équivoques sans importance (Folio, 2006). Il retraduit actuellement Les oiseaux de Fra Angelico sous le titre Les volatiles de Fra Angelico. "Je suis pour un retour à la lettre, déclare-t-il. Je n'ai jamais traduit que lui, et je ne traduirai personne d'autre. C'est lié à une amitié très intense et ancienne, de vingt-cinq ans. Je contrôlais les traductions et à un moment il m'a dit : pourquoi ne traduirais-tu pas ? Je ne me suis engagé là-dedans que parce que je savais que l'on pourrait relire ensemble : je sais comment il respire, comment il écrit, je connais son rythme. »