30 AOÛT - ROMAN Etats-Unis

Julie Otsuka- Photo DR/PHÉBUS

Elles s'appellent Katsuo, Fumiko, Setsuko, Mayaso, Hanako ou Miyoshi, mais on ne le saura que bien plus tard. Ce sont des jeunes filles, presque parfois encore des petites filles. Elles ont des cheveux noirs, de longs pieds plats, des kimonos. Elles savent coudre et cuisiner. Certaines viennent de la ville, de la campagne, d'autres de la montagne. Certaines n'ont jamais vu la mer, "sauf en image". Toutes ont abandonné leur famille en ce début de XXe siècle pour une existence qu'elles pensent meilleure. Le bateau a quitté le Japon, traverse l'océan Pacifique et les emmène à San Francisco, "au pays des géants". Où les attendent des maris qu'elles connaissent juste à travers une photo.

Julie Otsuka, dont on n'a pas oublié le formidable premier livre, Quand l'empereur était un dieu (Phébus 2004, repris en 10/18), est enfin de retour avec un roman tout aussi puissant. La Californienne d'origine japonaise, née en 1962, donne à entendre les voix de ses protagonistes, leurs peurs, leurs attentes ; elle décrit leur arrivée, leur nuit de noces. Les exilées vont travailler dans les champs, cueillir du raisin, déterrer des pommes de terre, trier les haricots verts avec discipline et endurance, vivre à l'écart, essayer de se familiariser avec la langue anglaise. Plus tard, quelques-unes seront employées comme personnel de maison par de grandes dames américaines blanches, qui leur donneront de nouveaux prénoms. Dames dont les maris parfois n'hésiteront pas à abuser d'elles...

La prose majestueuse de Julie Otsuka sonne comme une douloureuse mélopée tenue et lancinante. Nul pathos ici pour évoquer la douleur, la violence sourde ou réelle. La romancière montre la venue des enfants, les années et les décennies qui filent. Avant que ne parviennent des rumeurs parlant de la guerre, d'arrestations, de déportations en masse... Impressionnant d'un bout à l'autre.

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