C'est l'automne, celui de la mort du maréchal Staline. A l'époque des anciens francs. Dans le XVIe arrondissement, haut lieu de l'astrakan et du loden. La famille Dulac est rentrée à Paris au début de l'été 1953 et s'est installée dans le XVIe sud, que madame Dulac, dite Manou, nomme "le XVIe pouilleux". Les Dulac ne sont pas des bourgeois traditionnels, ils roulent dans une 4 CV Renault de couleur bordeaux et fument de l'opium. Depuis son retour de Singapour, Lou, le père, commande à Cherbourg le Hoche, "un ex-destroyer allemand que l'on désignait encore sous son appellation de la Kriegsmarine : Z25".
Le capitaine de vaisseau Louis Dulac est un homme qui va et qui vient. Qui admirait Pétain, mais pas Vichy. Qui aime la viande rouge, le vin de Bourgogne et le gibier. Affirme que "la guerre froide, c'est l'art d'éviter la guerre atomique tout en en conservant les moyens". Avec Manou, ils ont eu deux enfants. Une fille, Flossie, et un garçon, Jean, le héros du nouveau roman de Bernard Chapuis. A 8 ans, "Dulac" est élève en classe de neuvième aux cours Pierre de Rosette. Avec ses camarades Rétiel, Morelle et Balmer, ils forment les "Four". Un groupe de jeunes godelureaux qui récoltent des heures de colle. Jean Dulac a plusieurs surnoms : le "Racho", "l'Angliche". Un psychologue consulté à cause de ses piètres résultats scolaires le trouve "vif mais distrait". Le petit monsieur n'a pas ses yeux dans sa poche. Il espionne ses proches, commence à s'intéresser aux demoiselles, promène le basset Sonny. Et sait tenir sa langue quand papa lui demande de ne pas répéter à maman qu'ils ne partent pas seuls au ski...
La musique de Bernard Chapuis est plus lancinante que jamais. L'auteur du Rêve entouré d'eau (Stock 2009, repris en Folio, prix des Deux-Magots) fait revivre toute une époque avec grâce, humour et élégance. Et donne chair et âme à un gamin, qui lui ressemble. Un Dulac dont l'enfance s'est arrêtée net à l'âge de 11 ans à la mort de son père.