Oona & Salinger de Frédéric Beigbeder est sous-titré "roman", même si l’auteur prévient de façon liminaire : "Ceci n’est pas une fiction." En fait, son ouvrage est une "faction", mot-valise forgé par l’éditrice de mode Diana Vreeland mêlant aux facts, la vérité factuelle, une part fictive. Beigbeder s’est penché sur la brève idylle entre Oona O’Neill, fille d’Eugene, le grand dramaturge américano-irlandais prix Pulitzer et Nobel de littérature, et le futur auteur de L’attrape-cœurs. Idylle ou plutôt râteau si l’on se place du point de vue de "Jerry", alias Jerome David Salinger, puisque la vraie histoire d’amour pour la belle brune aux pommettes saillantes sera avec Charlie Chaplin, de trente-six ans son aîné, dont elle sera la quatrième femme et aura huit enfants… 1940, le Stork Club, une boîte où se retrouve la jeunesse dorée new-yorkaise : loin de la tragédie en marche, alors que la botte nazie foule le pavé de Paris, "le trio des héritières", "les premières it-girls du monde occidental", fume, boit, pouffe de rire aux bons mots de leur faux chaperon, un Rastignac de 16 ans au faciès poupin, Truman Capote. Gloria (Vanderbilt), Carol (Marcus), Oona (O’Neill) ne sont guère plus âgées. Oona est la plus discrète, et pourtant c’est elle qui attire le grand échalas qui observe le groupe depuis un moment, fumant à la manière d’Humphrey Bogart pour se donner de la prestance. Le timide surmonte sa réserve et aborde la beauté irlandaise de 15 ans, l’idéaliste en a 21, ainsi commence la "Manhattan romance" entre Oona et Jerry. Un "amour courtois" et partant douloureux, l’idéal féminin est chanté mais n’est jamais vraiment touché, entre-temps l’Amérique est entrée en guerre et Salinger part au front ; il adressera à Oona une longue correspondance que les héritiers Chaplin n’ont pas permis au romancier français de consulter. Là intervient la fiction, la faction. Et également l’"autofaction", car en racontant cette histoire, il s’agit également pour l’auteur d’Un roman français de se raconter. Son admiration de Salinger chantre de l’adolescence perdue, le jeunisme effréné d’un bientôt quinquagénaire qui fuit ses contemporains et leurs névroses lui ressemblant trop, ses sentiments pour une femme beaucoup plus jeune que lui et qui lui a récemment dit oui… Ceci n’est pas un roman, c’est un roman d’amour. S. J. R.
Manhattan romance
Frédéric Beigbeder raconte l’idylle entre Oona, fille du dramaturge Eugene O’Neill, et le futur auteur de L’attrape-cœurs.