Le secteur du livre résiste. Avec plus de 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, l'édition dans son ensemble réalise en 2023 la deuxième meilleure performance de la décennie, après 2021 (4,45 Md€), selon les estimations de l'institut GFK. S'il n'augmente que de 1 % son activité par rapport à 2022, le marché reste à 12 % au-dessus du résultat de 2019. En volume, la baisse des ventes de 4 % est plus significative en un an, mais là encore, en comparatif avec 2019, les voyants restent au vert avec +4 % de ventes de livres physiques, estimées à 351 millions d'exemplaires en 2023.
Valeurs sûres et dynamiques florissantes
S'il résiste, c'est parce que le secteur peut compter sur des valeurs sûres et des dynamiques florissantes. C'est le cas du livre numérique, qui revient à la croissance. Avec 126 millions d'euros de chiffres d'affaires, il augmente de 5 % en un an et pèse pour 3 % de l'activité globale. À noter que ce bilan ne tient pas compte des performances du livre audio, dont les tendances semblent également à la hausse et à des valeurs plus importantes que l'ebook. Avec 4,5 % de croissance en valeur, selon Xerfi, le poche, qui a également augmenté de 5 % son prix moyen, poursuit son développement en littérature générale, mais baisse en premier roman et sous-segment de 8 à 12 ans. Une valeur sûre reste celle de la littérature générale en grand et petit format donc, qui retrouve dans le marché son poids d'il y a 10 ans, avec 28 % des parts contre 26 % l'an dernier, note GFK. Le segment est porté par la romance, qui a explosé en doublant tous ses indicateurs sur un an : deux fois plus de titres, deux fois plus de ventes et deux fois plus de best-sellers à plus de 10 000 exemplaires vendus.
Comme l'an dernier, un livre sur deux vendu en France en 2023 est issu du rayon littérature ou de celui de la BD, incluant le manga. Malgré une baisse importante de ce dernier sous-segment de 18 %, la BD assure sa troisième meilleure performance de la décennie avec 75 millions d'exemplaires vendus - plus du double par rapport à 2014. La BD jeunesse a réalisé sa deuxième meilleure performance, après 2021, avec un chiffre d'affaires de 17,2 millions d'euros. Les sous-segments du young adult participent également à la croissance du rayon littérature, porté par des succès alimentés par les réseaux sociaux et les adaptations audiovisuelles. Les récits de personnalités (Pagny, Pesquet, prince Harry...) soutiennent quant à eux la non-fiction.
Les rayons jeunesse et pratique en recul
Ce dernier sous-segment accuse néanmoins un déficit de près de 2 millions d'exemplaires vendus en deux ans, établissant son total à 11,4 millions. À noter également, le recul du secteur jeunesse qui ponctue 2023 avec le plus bas niveau de ventes de la décennie. Cette érosion est marquée par une baisse de 3 % des premiers romans et du sous-segment 8-12 ans, et d'une diminution de 4 % de l'illustré, notamment dans l'éveil. Un secteur mis à mal notamment par la baisse exceptionnelle de la natalité de près de 7 % en France en 2023, selon l'Insee, qui a établi le nombre annuel de naissances le plus faible depuis 1946, en baisse de 20 % par rapport au pic de 2010. Autre secteur en délicatesse en 2023 selon GFK, le rayon pratique, qui perd 1 % de parts de marché au global sur un an et 2 % par rapport à 2014. Les livres sur la santé, qui représentent un tiers des ventes du rayon, ont chuté de 10 % l'an dernier.
La rentrée littéraire prend de la vigueur
En volume, la baisse globale est entraînée par une désaffection, en 2023, des parutions d'un à deux ans, dont les ventes ont chuté de 6 %, contre seulement 2 % pour le fonds ancien de trois ans et plus, et des nouveautés. La rentrée littéraire, marquée cette année par une offre en repli de 5 %, a généré 4 % de plus en volume de ventes par rapport à 2022, avec notamment 12 titres dépassant les 50 000 exemplaires vendus contre 8 l'an dernier. Cette performance s'est formalisée dans les deux dernières semaines de l'année, permettant au mois de décembre d'être, avec celui d'avril, les seuls en croissance sur une année, tous circuits confondus. Au dernier trimestre, les grandes surfaces culturelles (GSS), qui représentent 32 % de parts de marché, ont augmenté ses volumes de ventes de 4 % sur un an, contre un repli de 1 % pour le début de l'année. Cette performance leur permet d'être le seul-circuit à résister avec 1 % de croissance des ventes en volume en 2023, contre une baisse de 4 % pour les librairies de niveau 1 (18 % pdm) et 2 (35 % pdm). Le circuit des grandes surfaces alimentaires, qui représente 16 % de part de marché, accuse un déficit de 8 % de volume des ventes. L'impact du décret d'application de la loi Darcos sur la tarification des frais de port du livre, entré en vigueur début octobre, n'est pas encore connu sur les près de 26 millions d'acheteurs de livres recensés par GFK cette année, en recul d'1,5 million sur un an. Cette baisse de 7 % du nombre d'acheteurs est pourtant associée à une hausse de 4 % de la fréquence d'achat. Si Les consommateurs sont moins nombreux, ils vont plus souvent en librairie, en cette période d'inflation. Sur un an, le prix moyen des livres a augmenté de 4,8 % tandis que le taux d'indice des prix à la consommation observé par l'Insee a évolué de 4,9 % dans le même temps. Produire moins pour produire mieux n'a jamais été, semble-t-il, aussi nécessaire pour-l'industrie du livre.