J'avais une ferme en Ardèche. Autrice d'élégantes bandes dessinées dans lesquelles elle fait tournoyer les corps et les émotions, Marion Fayolle signe un premier roman très personnel. Dans un passé proche mais indéterminé, la protagoniste, « la gamine », habite avec sa mère dans la ferme familiale. Là vivent aussi son pépé et sa mémé, ainsi que son grand-oncle célibataire, que l'on cache un peu parce que c'est un « taberlo », simplet en patois ardéchois. À la ferme, on élève des vaches, on les aide à mettre bas, on tue des lapins dont les queues coupées servent de jouet aux enfants. Au fil des années, la gamine grandit dans cet environnement qui n'a pas changé depuis des siècles, où les mots, les habitudes, les traditions, les gestes, les jeux se sont transmis de génération en génération. Mais, alors que les grands-parents vieillissent, glissent vers la mort, la gamine, qui n'en a toujours fait qu'à sa tête, se détache de tout cela, comme d'ailleurs ses cousins. Devenue adulte et mère à son tour, elle s'en ira, parce que « ce n'est pas une vie » de vivre et travailler à la ferme, même si l'attachement demeure.
Dans une langue brute, d'une beauté râpeuse, Marion Fayolle s'interroge sur la transmission et dépeint la fin d'un monde, la disparition de modes de vie que l'on pouvait croire immuables. Son récit ne recèle aucun misérabilisme, aucun jugement, pas même de tristesse. L'autrice constate simplement que le monde change et qu'on n'y peut pas grand-chose. Restent alors les souvenirs, à jamais consignés dans ce texte à la poésie farouche.
Du même bois
Gallimard
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 16,50 € ; 128 p.
ISBN: 9782073025814