29 janvier > Récit France

On a lu une première fois le dernier roman de Chantal Pelletier qui parcourt, dans le rire et dans les larmes, quarante-cinq ans de l’itinéraire d’une femme née au milieu du siècle dernier, dont on sait, même s’il n’est pas écrit à la première personne, qu’il emprunte beaucoup à la propre trajectoire de vie de l’écrivaine. On a ainsi suivi Anne, 15 ans en 1964, touchée par la grâce en découvrant A bout de souffle, rencontrant Godard sur l’écran de la Maison des jeunes, dans le quartier de Monplaisir à Lyon. Anne, fille unique de parents venus de la Bresse rurale, néopropriétaires endettés pour vingt ans d’un F3 "avec balcons et baignoire sabots". Anne, la lycéenne avide, et Marie, "sa plus que sœur", qui se promettent de n’être jamais "des dames". Duo rejoint quelques années plus tard par Brigitte, la comédienne niçoise, clown lumineux, dont Anne épousera à 19 ans le frère, Raoul… Bref, Anne et sa famille d’élection. A la vie à la mort. Anne qui sera marraine plutôt que mère. Anne accompagnée à chaque étape du parcours par le cinéma de JLG.

Dans ce texte où se glisse des "extraits de phrases dites, jouées, lues, écrites, affichées, recopiées, détournées dans des films de Jean-Luc Godard", vivre est une émancipation, la conquête d’une liberté de conscience joyeuse. "Se marrer" est un devoir, une politesse, une morale résistante à tout, aux deuils précoces, aux trous dépressifs. Il y a aussi la vitalité de l’amitié, cette forme particulière de camaraderie féminine. "Brigitte dit que l’amitié multiplie par deux ce que l’amour partage."

On a donc lu tout ça, puis il y a eu le mercredi 7 janvier, et la déclaration de Kateb Yacine en 1989, en exergue de l’ouvrage, fait résonner ce roman plus tragiquement encore. V. R.

Les dernières
actualités