Après Billie, paru l’année dernière et qui a suscité des réactions passionnelles et contrastées, Anna Gavalda continue de prélever dans son abondante production récente de quoi constituer des livres autonomes. Ainsi a-t-elle souhaité rassembler dans La vie en mieux deux longues nouvelles, ou novellas, qui n’ont en théorie aucun rapport entre elles, mais présentent nombre de similitudes, comme autant de constantes de l’univers gavaldien.
Mathilde et Yann, les héros, sont deux jeunes mal dans leur peau, étriqués et sans but. Elle travaille pour son beau-frère dans une boîte de communication, et, en attendant de rencontrer le grand amour, fait n’importe quoi : boîtes, alcool, baise avec le premier venu. Un jour, elle oublie dans un bistrot son sac à main, dans lequel elle transportait 10 000 euros en liquide, appartenant à sa colocataire. Catastrophe et déprime alcoolisée, jusqu’à ce qu’un certain Jean-Baptiste la contacte et lui rende le magot, intact. Un gars moche, bizarre, pas très sympathique au premier abord, dont elle sait juste qu’il est cuisinier, sans doute dans le quartier. Plus profondément marquée par le garçon qu’elle ne veut bien l’admettre, elle va se mettre à sa recherche, visitant les restaurants alentour, avant d’apprendre qu’il a quitté Paris. Acceptera-t-elle de tout plaquer pour le rejoindre et faire le grand saut ?
Yann, dilettante dans tout ce qu’il fait, diplômé en design, est démonstrateur d’électroménager dans un grand magasin. Il a une petite amie, Mélanie, visiteuse médicale toujours en vadrouille, avec qui les liens se sont distendus. Un soir, il fait la connaissance de ses voisins, le couple Alice et Isaac Moïse. Elle est danseuse et dégage un charme puissant qui tourneboule le garçon. Lui est un type spécial, érudit et blagueur, sincère et émouvant, surtout lorsqu’il essaie de se faire passer pour un imbécile. Au cours d’une soirée arrosée ("Le vin me rendait buvard", confie Yann), Isaac va l’amener à prendre conscience de l’inanité de son existence, et à tout remettre en question : "Tu es beau", lui dit-il, moralement parlant. Le garçon va donc avoir le courage de rompre avec Mélanie et de se lancer dans une aventure généreuse.
On voit bien le parallélisme entre Mathilde et Yann, chacun racontant son histoire à la première personne, dans un style familier voire cru. Non sans humour. Il y a même quelques morceaux de bravoure : quand Mathilde rencontre, dans les sous-sols des restaurants où elle piste Jean-Baptiste, tous les plongeurs cingalais, tamouls ou bengalis qui la prennent pour "une barjot", ou quand Isaac raconte sa passion pour son métier, marchand d’art.
Les nombreux lecteurs et lectrices qui apprécient l’univers d’Anna Gavalda s’y retrouveront confortables, comme chez eux. Et ceux qui y étaient rétifs se convertiront peut-être, car Gavalda, revenue à ses premières amours, rappelle ici tout son talent de nouvelliste.
Jean-Claude Perrier